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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

ministre, ces attentats au tribunal criminel, mais les lois sont impuissantes ; l’honneur, la probité m’obligent de vous déclarer que, sans le secours le plus prompt du corps législatif, le gouvernement ne peut plus encourir de responsabilité. » Sur ces entrefaites, on vint annoncer que la section des Quinze-Vingts avait déclaré que, si la déchéance n’était pas prononcée le jour même, à minuit on sonnerait le tocsin, on battrait la générale, et on attaquerait le château. Cet arrêté avait été transmis aux quarante-huit sections, et toutes l’avaient approuvé, hors une seule. L’assemblée manda le procureur-syndic du département, qui fit part de sa bonne volonté, mais de son impuissance, et le maire, qui répondit que, dans un moment où les sections avaient repris leur souveraineté, il ne pouvait exercer sur le peuple qu’une influence de persuasion. L’assemblée se sépara sans avoir pris aucune mesure.

Les insurgés fixèrent l’attaque du château au matin du 10 août. Le 8, les Marseillais avaient été transférés de leur caserne de la rue Blanche aux Cordeliers avec leurs armes, leurs canons et leur drapeau. Ils avaient reçu cinq mille cartouches à balle qui leur avaient été distribuées par l’ordre des administrateurs de police. Le chef-lieu du soulèvement fut au faubourg Saint-Antoine. Le soir, après une séance très véhémente, les Jacobins s’y rendirent en cortège : l’insurrection fut alors organisée. On décida de casser le département ; de consigner Pétion, afin de le soustraire aux devoirs de sa place et à toute responsabilité ; enfin, de remplacer le conseil général de la commune actuelle par une municipalité insurrectionnelle. Les agitateurs se rendirent en même temps dans les sections des faubourgs et dans les casernes des fédérés marseillais et bretons.

La cour était depuis quelque temps avertie du danger, et elle s’était mise en défense. Peut-être dans ce moment crut-elle pouvoir non seulement résister, mais encore se rétablir entièrement. L’intérieur du château était occupé par des Suisses, au nombre de huit ou neuf cents ; par les officiers de la garde licenciée et par une troupe de gentilshommes et de