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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

lais avec leurs pièces. Les Suisses garnissaient les fenêtres du château dans une attitude immobile. Les deux troupes furent quelque temps en présence sans s’attaquer. Quelques-uns des assaillants s’avancèrent même pour fraterniser, et les Suisses jetèrent des cartouches par les fenêtres en signe de paix ; ils pénétrèrent jusque sous le vestibule, où se trouvaient d’autres défenseurs du château. Une barrière les séparait. C’est là que le combat s’engagea, sans qu’on ait pu savoir encore de quel côté commença l’agression. Les Suisses firent alors un feu meurtrier sur les insurgés, qui se dispersèrent. La place du Carrousel fut balayée. Mais les Marseillais et les Bretons revinrent bientôt en force : les Suisses furent canonnés, investis. Ils tinrent jusqu’à ce qu’ils eussent reçu l’ordre du roi de cesser le feu. Mais le peuple exaspéré ne cessa point de les poursuivre, et se livra aux plus sanglantes représailles. Ce ne fut plus alors un combat, mais un massacre ; et la multitude se livra dans le château à tous les excès de la victoire.

L’assemblée était, pendant ce temps, dans les plus vives alarmes. Les premiers coups de canon y avaient répandu la consternation. À mesure que les décharges de l’artillerie devenaient plus fréquentes, l’agitation redoublait. Il y eut un moment où les membres de l’assemblée se crurent perdus. Un officier entra précipitamment dans la salle, en disant : « En place, législateurs, nous sommes forcés ! » Quelques députés se levèrent pour sortir. « Non, non, dirent les autres, c’est ici notre poste. » Les tribunes s’écrièrent aussitôt : Vive l’assemblée nationale ! et l’assemblée répondit en criant : Vive la nation ! enfin on entendit au dehors : Victoire ! Victoire ! et le sort de la monarchie fut décidé.

L’assemblée fit aussitôt une proclamation pour ramener le calme et conjurer le peuple de respecter la justice, ses magistrats, les droits de l’homme, la liberté, l’égalité. Mais la multitude et ses chefs avaient la toute-puissance, et se proposaient d’en user. La nouvelle municipalité vint faire reconnaître ses pouvoirs. Elle était précédée de trois bannières, sur lesquelles étaient ces mots : Patrie, liberté, égalité. Sa harangue fut