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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

en pleurant et en jurant devant la municipalité de Metz ; et Lafayette sentit lui-même qu’il fallait céder à une destinée plus forte. Il quitta son armée, en prenant sur lui la responsabilité de toute cette insurrection. Il était accompagné de Bureau-de-Pusy, de Latour-Maubourg, d’Alexandre Lameth, et de quelques officiers de son état-major. Il se dirigea à travers les postes ennemis, vers la Hollande, pour se rendre de là aux États-Unis, sa seconde patrie. Mais il fut découvert et arrêté avec ses compagnons. Contre tous les droits des gens, il fut traité en prisonnier de guerre, et enfermé d’abord dans les cachots de Magdebourg et ensuite par les Autrichiens à Olmutz. Le parlement d’Angleterre même fit des démarches en sa faveur ; mais ce ne fut qu’au traité de Campo-Formio que Bonaparte le délivra de sa prison. Pendant quatre années de la plus dure captivité, en butte à toutes les privations, ignorant le sort de la liberté et de sa patrie, n’ayant devant lui qu’un avenir de prisonnier tout à fait désespérant, il montra le plus héroïque courage. L’on mit sa délivrance au prix de quelques rétractations, et il aima mieux rester enseveli dans son cachot que d’abandonner en quoi que ce fût la sainte cause qu’il avait embrassée.

De notre temps, peu de vies ont été aussi pures que celle de Lafayette, peu de caractères plus beaux, peu de popularités plus longues et mieux acquises. Après avoir défendu la liberté en Amérique à côté de Washington, il aurait voulu l’établir de la même manière que lui en France ; mais ce beau rôle n’était pas possible dans notre révolution. Lorsqu’un peuple poursuit la liberté sans dissidence intérieure, et qu’il n’a pour ennemis que des étrangers, il peut trouver un libérateur, et produire en Suisse un Guillaume Tell, dans les Pays-Bas un prince d’Orange, en Amérique un Washington ; mais lorsqu’il la poursuit malgré les siens et contre les autres, au milieu des factions et des combats, il ne peut produire qu’un Cromwell et qu’un Bonaparte, qui se font dictateurs des révolutions après les luttes et l’épuisement des partis. Lafayette, acteur de la première époque de la crise, se déclara avec enthousiasme pour ses résul-