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CONVENTION NATIONALE.

naient avec les mêmes opinions. D’autres arrivaient sans système, sans parti, sans attachement, sans inimitié : ils formèrent ce qu’on appela, à cette époque, la Plaine ou le Marais. Cette réunion, désintéressée dans les luttes de la Gironde et de la Montagne, se rangea du côté le plus juste, tant qu’il lui fut permis d’être modérée, c’est-à-dire tant qu’elle ne craignit pas pour elle-même.

La Montagne était composée des députés de Paris qui avaient été élus sous l’influence de la commune du 10 août, et de quelques républicains très prononcés des départements ; elle se recruta ensuite de ceux que les événements exaltèrent, ou que la peur lui associa. Mais quoique inférieure en nombre dans la convention, elle n’en était pas moins très puissante, même à cette époque. Elle régnait dans Paris ; la commune lui était dévouée, et la commune était parvenue à se faire la première autorité de l’état. Les Montagnards avaient tenté de maîtriser les divers départements de la France, en établissant entre la municipalité de Paris et les autres municipalités une correspondance de desseins et de conduite ; ils n’avaient pourtant pas complètement réussi, et les départements étaient en très grande partie favorables à leurs adversaires, qui cultivaient leurs bonnes dispositions au moyen de brochures et de journaux envoyés par le ministre Roland, dont les Montagnards nommaient la maison un bureau d’esprit public et les amis des intrigants. Mais outre l’affiliation des communes, qui tôt ou tard devait leur réussir, ils avaient l’affiliation des Jacobins. Ce club, le plus influent, comme le plus ancien et le plus étendu, changeait d’esprit à chaque crise, sans changer de nom : c’était un cadre tout prêt pour les dominateurs, qui en excluaient les dissidents. Celui de Paris était la métropole du jacobinisme, et gouvernait presque souverainement les autres. Les Montagnards s’en étaient rendus maîtres ; ils en avaient déjà éloigné les Girondins à force de dénonciations et de dégoûts, et ils y avaient remplacé les membres tirés de la bourgeoisie par des sans-culottes. Il ne restait aux Girondins que le ministère, qui, contrarié par la commune, était impuis-