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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

titution et ses citoyens. Mais une nouvelle révolution, qui appellerait à la conduite de l’état la classe inférieure, ne pouvait pas être durable. Elle devait blesser trop d’intérêts, et n’avoir que des défenseurs momentanés, la classe inférieure pouvant bien agir et gouverner pendant une crise, mais ne le pouvant pas toujours. Cependant c’était sur elle qu’il fallait s’appuyer en consentant à cette seconde révolution. Les Girondins ne le firent point, et ils se trouvèrent placés dans une position tout à fait fausse ; ils perdirent l’assistance des constitutionnels, sans se donner celle des démocrates, et ils n’eurent ni le haut ni le bas de la société. Aussi ne formèrent-ils qu’un demi-parti, qui fut vite abattu, parce qu’il était sans racine. Les Girondins, après le 10 août, furent entre la classe moyenne et la multitude, ce que les Monarchiens, ou le parti Necker et Mounier avaient été, après le 24 juillet, entre les classes privilégiées et la bourgeoisie.

La Montagne, au contraire, voulait la république avec le peuple. Les chefs de ce parti, offusqués du crédit des Girondins, cherchaient à les abattre et à les remplacer. Ils étaient moins éclairés, moins éloquents, mais plus habiles, plus décidés, et nullement scrupuleux dans leurs moyens. La démocratie la plus extrême leur semblait le meilleur des gouvernements ; et ce qu’ils appelaient le peuple, c’est-à-dire la classe inférieure, était l’objet de leurs flatteries continuelles et de leur plus ardente sollicitude. Nul parti n’était plus dangereux ; mais, plus conséquent, il travaillait pour ceux avec lesquels il combattait.

Dès l’ouverture de la convention, les Girondins avaient occupé la droite, et les Montagnards la crête de la gauche, d’où leur vint le nom sous lequel nous les désignons. Les Girondins étaient les plus forts dans l’assemblée : en général, les élections des départements avaient été dans leur sens. Un grand nombre des députés de l’assemblée législative avait été réélu ; et comme, dans ce temps, les liaisons font beaucoup, tous les membres qui avaient été unis à la députation de la Gironde ou à la commune de Paris, avant le 10 août, reve-