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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

dit que l’inviolabilité était générale ; que la constitution avait prévu bien plus que les hostilités secrètes de Louis XVI, mais une attaque ouverte de sa part, et n’avait prononcé dans ce cas que la déchéance ; que la nation avait engagé sous ce rapport sa souveraineté ; que la convention avait eu pour mandat de changer le gouvernement, et non de juger Louis XVI ; que, retenue par les règles de la justice, elle l’était encore par les usages de la guerre, qui ne permettaient que pendant le combat de se défaire d’un ennemi retombé sous la loi après la victoire ; que d’ailleurs la république n’avait aucun intérêt à condamner Louis XVI ; qu’elle devait se borner à des mesures de sûreté générale à son égard, le retenir captif, ou le bannir de France. Cette opinion était celle de la droite de la convention. La Plaine partageait l’avis du comité ; mais la Montagne repoussait à la fois l’inviolabilité et le jugement de Louis XVI.

« Citoyens, dit Saint-Just, j’entreprends de prouver que l’opinion de Morisson, qui conserve au roi l’inviolabilité, et celle du comité, qui veut qu’on le juge en citoyen, sont également fausses. Moi, je dis que le roi doit être jugé en ennemi ; que nous avons moins à le juger qu’à le combattre ; que n’étant pour rien dans le contrat qui unit les Français, les formes de la procédure ne sont point dans la loi civile, mais dans la loi du droit des gens ; que les lenteurs, le recueillement, sont ici de véritables imprudences, et qu’après celle qui recule le moment de nous donner des lois, la plus funeste serait celle qui nous ferait temporiser avec le roi. » Ramenant tout à des considérations d’inimitié et de politique, Saint-Just ajoutait : « Les mêmes hommes qui vont juger Louis ont une république à fonder : ceux qui attachent quelque importance au juste châtiment d’un roi, ne fonderont jamais une république. Citoyens, si le peuple romain, après six cents ans de vertu et de haine contre les rois ; si la Grande-Bretagne, après Cromwell mort, vit renaître les rois malgré son énergie, que ne doivent pas craindre parmi nous les bons citoyens, amis de la liberté, en