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CONVENTION NATIONALE.

poursuivi. Il n’y avait pas de tribunal qui pût prononcer sa sentence ; il n’y avait pas de peine qui pût lui être infligée : aussi l’on se jeta dans de fausses interprétations de l’inviolabilité accordée à Louis XVI, en voulant le condamner d’une manière légale. Le plus grand tort des partis, après celui d’être injustes, est de ne pas vouloir le paraître. Le comité de législation, chargé d’un rapport sur la question de savoir si Louis XVI pouvait être jugé, et s’il pouvait l’être par la convention, se prononça pour l’affirmative. Le député Mailhe s’éleva en son nom contre le dogme de l’inviolabilité ; mais comme ce dogme régissait l’époque précédente de la révolution, il prétendit que Louis XVI avait été inviolable comme roi, et non comme particulier. Il soutint que la nation, ne pouvant pas perdre sa garantie touchant les actes du pouvoir, avait suppléé à l’inviolabilité du monarque par la responsabilité de ses ministres, et que là où Louis XVI avait agi en simple particulier, sa responsabilité ne tombant sur personne, il cessait d’être inviolable. Mailhe limitait ainsi la sauvegarde constitutionnelle dévolue à Louis XVI, aux actes du roi. Il concluait à ce que Louis XVI fût jugé, la déchéance n’ayant pas été une peine, mais un changement de gouvernement ; à ce qu’il le fût, en vertu de la loi du Code pénal relative aux traîtres et aux conspirateurs ; enfin à ce qu’il le fût par la convention, sans suivre la procédure des autres tribunaux, parce que la convention représentant le peuple, le peuple renfermant tous les intérêts, tous les intérêts étant la justice, il était impossible que le tribunal national violât la justice, et dès lors inutile qu’il fût assujetti à des formes. Tel était l’enchaînement des sophismes au moyen desquels le comité transformait la convention en tribunal. Le parti de Robespierre se montra beaucoup plus conséquent, en ne faisant valoir que la raison d’état, et en repoussant les formes comme mensongères.

La discussion s’ouvrit le 13 novembre, six jours après le rapport du comité. Les partisans de l’inviolabilité, tout en considérant Louis XVI comme coupable, soutinrent qu’il ne pouvait pas être jugé. Le principal d’entre eux fut Morisson : il