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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

point une sentence à rendre pour ou contre un homme, mais une mesure de salut public à prendre, un acte de providence nationale à exercer. Un roi détrôné n’est bon qu’à deux usages, ou à troubler la tranquillité de l’état et à ébranler la liberté, ou à affermir l’une et l’autre.

« Louis fut roi ; la république est fondée ; la question fameuse qui vous occupe est décidée par ces seuls mots. Louis ne peut être jugé : il est déjà jugé, il est condamné, ou la république n’est pas absoute. » Il demanda que la convention déclarât Louis XVI traître envers les Français, criminel envers l’humanité, le condamnât sur-le-champ à mort en vertu de l’insurrection.

Les Montagnards, par ces propositions extrêmes, par la popularité qu’elles obtenaient au dehors, rendaient une condamnation en quelque sorte inévitable. En prenant une avance extraordinaire sur les autres partis, ils les forçaient à les suivre, quoique de loin. La majorité conventionnelle, composée d’une grande partie des Girondins, qui n’osaient pas déclarer Louis XVI inviolable, et de la Plaine, décida, sur la proposition de Pétion, contre l’avis des Montagnards fanatiques et contre celui des partisans de l’inviolabilité, que Louis XVI serait jugé par la convention. Robert Lindet fit alors, au nom de la commission des vingt-et-un, son rapport sur Louis XVI. On dressa l’acte énonciatif des faits qui lui étaient imputés, et la convention manda le prisonnier à sa barre.

Louis était enfermé au Temple depuis quatre mois ; il n’y était point libre, comme l’assemblée législative l’avait d’abord voulu, en lui assignant le Luxembourg pour demeure. La commune soupçonneuse le gardait étroitement ; mais, soumis à sa destinée, s’attendant à tout, il ne faisait apercevoir ni impatience, ni regret, ni ressentiment. Il n’avait auprès de lui qu’un seul serviteur, Cléry, qui était en même temps celui de toute sa famille. Pendant les premiers mois de sa détention, il ne fut point séparé d’elle, et il trouvait encore quelques douceurs dans cette réunion ; il se consolait et soutenait les deux compagnes de son infortune, sa femme et sa sœur ; il