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CONVENTION NATIONALE.

servait de précepteur au jeune dauphin, et lui donnait les leçons d’un homme malheureux et d’un roi prisonnier. Il lisait beaucoup, et revenait souvent à l’Histoire d’Angleterre, par Hume ; il y trouvait nombre de monarques déchus, et un, entre autres, condamné par le peuple. On cherche toujours des destinées conformes à la sienne. Mais les consolations qu’il trouvait dans la vue de sa famille ne furent pas de longue durée : on le sépara d’elle, dès qu’il fut question de son jugement. La commune voulut éviter que les prisonniers concertassent leur justification : la surveillance qu’elle exerçait à l’égard de Louis XVI était chaque jour plus minutieuse et plus dure.

Sur ces entrefaites, Santerre reçut l’ordre de conduire Louis XVI à la barre de la convention. Il se rendit au Temple accompagné du maire, qui fit part au roi de sa mission, et qui lui demanda s’il voulait descendre. Louis hésita un moment, puis il dit : « Ceci est encore une violence : il faut y céder ! » Et il se décida à paraître devant la convention, qu’il ne récusa point, comme l’avait fait Charles Ier à l’égard de ses juges. Dès qu’on annonça son approche : « Représentants, dit Barrère, vous allez exercer le droit de justice nationale. Que votre attitude soit conforme à vos nouvelles fonctions. » Et, se tournant vers les tribunes : « Citoyens, souvenez-vous du silence terrible qui accompagna Louis ramené de Varennes, silence précurseur du jugement des rois par les nations. » La contenance de Louis XVI, en entrant dans la salle, fut ferme, et il promena sur l’assemblée un regard assuré. Il était debout à la barre, et le président lui dit d’une voix émue : « Louis, la nation française vous accuse. Vous allez entendre l’acte énonciatif des faits. Louis, asseyez-vous. » Un siège avait été préparé pour lui : il s’y plaça. Pendant un long interrogatoire, il montra beaucoup de calme et de présence d’esprit ; il répondit à chaque question avec à-propos, le plus souvent d’une manière touchante et victorieuse. Il repoussa les reproches qui lui furent adressés relativement à sa conduite avant le 14 juillet, en rappelant que sa puissance n’était pas encore limitée, avant le voyage de Varennes, par le décret de