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CONVENTION NATIONALE.

être emparés. Ces deux armées d’opération étaient soutenues, dans les positions intermédiaires, par des forces considérables, Dumouriez, préoccupé de desseins ambitieux et réactionnaires, dans un moment où il ne fallait songer qu’aux périls de la France, se proposa de rétablir la royauté de 1791, malgré la convention et malgré l’Europe. Ce que Bouillé n’avait pas pu faire pour le trône absolu, ni Lafayette pour le trône constitutionnel, dans un temps beaucoup plus propice, Dumouriez espéra l’exécuter tout seul pour une constitution détruite et pour une royauté sans parti. Au lieu de rester neutre entre les factions, comme les circonstances en faisaient une loi à un général, et même à un ambitieux, Dumouriez préféra rompre avec elles, pour les dominer. Il imagina de se former un parti hors de la France ; de pénétrer en Hollande au moyen des républicains bataves, opposés au stathoudérat et à l’influence anglaise ; de délivrer la Belgique des Jacobins ; de réunir ces deux pays en un seul état indépendant, et de se donner leur protectorat politique, après avoir acquis toute la gloire d’un conquérant. Il devait, pour intimider les partis, gagner ses troupes, marcher sur la capitale, dissoudre la convention, fermer les sociétés populaires, rétablir la constitution de 1791, et donner un roi à la France.

Ce projet, inexécutable au milieu du grand choc de la révolution et de l’Europe, parut facile au bouillant et aventureux Dumouriez. Au lieu de défendre la ligne menacée depuis Mayence jusque sur la Roër, il se jeta sur la gauche des opérations, et entra en Hollande à la tête de vingt mille hommes. Il devait, par une marche rapide, se transporter au centre des Provinces-Unies, prendre les forteresses à revers, et être rejoint à Nimègue par vingt-cinq mille hommes sous le général Miranda, qui se serait probablement rendu maître de Maëstricht. Une armée de quarante mille hommes devait observer les Autrichiens et protéger sa droite.

Dumouriez poussa avec vigueur son expédition de Hollande ; il prit Breda et Gertruydenberg, et se disposa à passer le Biesbos et à s’emparer de Dort. Mais, pendant ce temps,