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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

l’armée de droite éprouva les revers les plus alarmants sur la basse Meuse. Les Autrichiens prirent l’offensive, passèrent la Roër, battirent Miazinski à Aix-la-Chapelle ; firent lever à Miranda le blocus de Maëstricht, qu’il avait inutilement bombardé ; franchirent la Meuse, et mirent en pleine déroute, à Liège, notre armée, qui s’était repliée entre Tirlemont et Louvain. Dumouriez reçut du conseil exécutif l’ordre de quitter la Hollande en toute hâte, et de venir prendre le commandement des troupes de la Belgique ; il fut obligé d’obéir et de renoncer à une partie de ses plus folles, mais de ses plus chères espérances.

Les Jacobins, à la nouvelle de tous ces revers, étaient devenus beaucoup plus intraitables. Ne concevant pas de défaite sans trahison, surtout après les victoires brillantes et inattendues de la dernière campagne, ils attribuaient des désastres militaires à des combinaisons de parti. Ils dénoncèrent les Girondins, les ministres et les généraux, qu’ils supposaient d’accord pour livrer la république, et ils conjurèrent leur perte. La rivalité se mêlait aux soupçons, et ils désiraient autant conquérir une domination exclusive, que défendre le territoire menacé ; ils commencèrent par les Girondins. Comme ils n’avaient pas encore accoutumé la multitude à l’idée de proscrire les représentants, ils eurent d’abord recours à un complot pour s’en défaire ; ils résolurent de les frapper dans la convention, où on les trouverait tous réunis, et ils fixèrent la nuit du 10 mars pour l’exécution du complot. L’assemblée s’était mise en permanence, à cause des dangers de la chose publique. La veille, on décida, aux Jacobins et aux Cordeliers, de fermer les barrières, de sonner le tocsin, et de marcher en deux bandes sur la convention et chez les ministres. À l’heure convenue on partit ; mais plusieurs circonstances empêchèrent les conjurés de réussir. Les Girondins, avertis, ne se rendirent point à la séance de nuit ; les sections se montrèrent opposées au complot, et le ministre de la guerre, Beurnonville, marcha contre eux à la tête d’un bataillon de fédérés brestois : tous ces obstacles imprévus et une pluie, qui ne cessa pas de tomber,