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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

L’accusation de Marat fut loin d’intimider les Jacobins, qui l’accompagnèrent au tribunal révolutionnaire. Marat fut acquitté et porté en triomphe dans l’assemblée. Depuis ce moment, les avenues de la salle furent occupées par d’audacieux sans-culottes, et les tribunes des Jacobins envahirent celles de la convention. Les clubistes et les tricoteuses de Robespierre interrompirent sans cesse les orateurs de la droite, et troublèrent les délibérations, tandis qu’au dehors on rechercha toutes les occasions de se défaire des Girondins. Henriot, commandant de la section des Sans-Culottes, y excita les bataillons prêts à servir pour la Vendée. Guadet vit alors qu’il ne fallait plus s’arrêter à des plaintes, à des discours ; il monte à la tribune : « Citoyens, dit-il, pendant que les hommes vertueux se bornent à gémir sur les malheurs de la patrie, les conspirateurs s’agitent pour la perdre. Comme César, ils disent : Laissons-les dire, et agissons ! Eh bien ! agissez aussi. Le mal est dans l’impunité des conjurés du 10 mars ; le mal est dans l’anarchie ; le mal est dans l’existence des autorités de Paris, autorités avides à la fois d’argent et de domination. Citoyens, il en est temps encore : vous pouvez sauver la république et votre gloire compromise. Je propose de casser les autorités de Paris, de remplacer dans les vingt-quatre heures la municipalité par les présidents des sections, de réunir les suppléants de la convention à Bourges dans le plus court délai, et d’envoyer ce décret aux départements par des courriers extraordinaires. » Cette motion de Guadet surprit un moment la Montagne. Si les mesures qu’il proposait avaient été adoptées sur-le-champ, c’en était fait de la domination de la commune et des projets des conspirateurs ; mais il est probable aussi que les partis se seraient agités, que la guerre civile se serait étendue, que la convention eût été dissoute par l’assemblée de Bourges, tout centre d’action détruit, et que la révolution n’eût pas été assez forte contre les luttes intérieures et les attaques de l’Europe : c’est ce que craignit le parti modéré de l’assemblée. Redoutant l’anarchie, si l’on n’arrêtait pas la commune ; la contre-révo-