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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

parole, et dit : « Citoyens, ne perdons pas ce jour en vaines clameurs et en mesures insignifiantes ; ce jour est peut-être le dernier où le patriotisme combattra la tyrannie ! Que les fidèles représentants du peuple se réunissent pour assurer son bonheur ! » Il pressa la convention de suivre la marche indiquée par les pétitionnaires, plutôt que celle proposée par le comité de salut public. Comme il se livrait à de longues déclamations contre ses adversaires : « Concluez donc, lui cria Vergniaud. — Oui, je vais conclure, et contre vous ! contre vous, qui, après la révolution du 10 août, avez voulu conduire à l’échafaud ceux qui l’ont faite ! contre vous, qui n’avez cessé de provoquer la destruction de Paris ! contre vous, qui avez voulu sauver le tyran ! contre vous, qui avez conspiré avec Dumouriez ! contre vous, qui avez poursuivi avec acharnement les mêmes patriotes dont Dumouriez demandait la tête ! contre vous, dont les vengeances criminelles ont provoqué ces mêmes cris d’indignation dont vous voulez faire un crime à ceux qui sont vos victimes ! Eh bien ! ma conclusion, c’est le décret d’accusation contre tous les complices de Dumouriez et contre ceux qui sont désignés par les pétitionnaires ! » Malgré la violence de cette sortie, le parti de Robespierre n’eut pas la victoire. L’insurrection n’avait été dirigée que contre les Douze ; et le comité du salut public, qui proposait leur suppression, l’emporta sur la commune. L’assemblée adopta le décret de Barrère, qui cassait les Douze, qui mettait la force publique en réquisition permanente, et qui, pour contenter les pétitionnaires, chargeait le comité du salut public de rechercher les complots dénoncés par eux. Dès que la multitude, qui entourait l’assemblée, fut instruite de ses mesures, elle les accueillit avec des applaudissements, et elle se dispersa.

Mais les conspirateurs ne voulaient point s’arrêter à ce demi-triomphe : ils étaient allés, le 30 mai, plus loin que le 29 ; ils allèrent, le 2 juin, plus loin que le 31 mai. L’insurrection devint, de morale comme ils l’appelaient, personnelle, c’est-à-dire qu’elle ne fut plus dirigée contre un pouvoir, mais contre