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INTRODUCTION.

furent rétablis dans leurs droits, et Louis XVI promit la publication annuelle d’un compte de finances, et la convocation des états-généraux avant cinq ans. Mais ces concessions n’étaient déjà plus suffisantes : le parlement refusa l’enregistrement, et s’éleva contre la tyrannie ministérielle. Quelques-uns de ses membres, et entre autres le duc d’Orléans, furent exilés. Le parlement, par un arrêt, protesta contre les lettres de cachet, et demanda le rappel de ses membres. L’arrêt fut cassé par le roi et confirmé par le parlement. La guerre s’engagea de plus en plus. La magistrature de Paris fut soutenue par toute la magistrature de France, et encouragée par l’opinion publique. Elle proclama les droits de la nation, sa propre incompétence en matière d’impôts ; et, devenue libérale par intérêt, rendue généreuse par l’oppression, elle s’éleva contre les détentions arbitraires, et demanda les états-généraux régulièrement convoqués. Après cet acte de courage, elle décréta l’inamovibilité de ses membres, et l’incompétence de quiconque usurperait leurs fonctions. Ce hardi manifeste fut suivi de l’arrestation de deux parlementaires, d’Éprémenil et Goislard, de la réforme du corps, de l’établissement d’une cour plénière.

Brienne avait compris que l’opposition du parlement était systématique, et qu’elle se renouvellerait à chaque demande de subsides, ou à chaque autorisation d’emprunt. L’exil n’était qu’un remède momentané, qui suspendait l’opposition sans la détruire. Il projeta dès lors de réduire ce corps aux fonctions judiciaires, et il s’associa le garde-des-sceaux Lamoignon pour exécuter cette entreprise. Lamoignon était un homme à coups d’état. Il avait de l’audace, et il joignait à l’énergique constance de Maupeou plus de considération et de probité. Mais il se méprit sur la force du pouvoir et sur ce qui était possible de son temps. Maupeou avait remplacé le parlement, en en changeant les membres ; Lamoignon voulut le désorganiser. L’un de ces moyens, s’il eût réussi, n’eût produit qu’un repos temporaire ; l’autre devait en produire un définitif, puisqu’il détruisait la puissance que l’autre se bornait à déplacer : mais la réforme de Maupeou ne dura pas, et celle de Lamoignon