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INTRODUCTION.

opposait ; ou des emprunts, et le crédit était épuisé ; ou des sacrifices de la part des privilégiés, et ils ne voulaient pas en faire. Brienne, dont le ministère avait été le but de toute la vie, qui aux difficultés de sa position joignait la faiblesse de ses moyens, essaya de tout, et ne réussit dans rien. C’était un esprit actif, mais sans force, un caractère téméraire, mais sans constance. Hardi avant l’exécution, mais faible après, il se perdit par ses irrésolutions, par ses imprévoyances, et par ses changements de moyens. Il n’avait que de mauvais partis à prendre ; mais il ne sut pas se décider pour un seul, et le suivre : ce fut son vrai tort.

L’assemblée des notables se montra peu soumise et très parcimonieuse. Après avoir approuvé l’établissement des assemblées provinciales, un règlement sur le commerce des blés, l’abolition des corvées, et un nouvel impôt sur le timbre, elle se sépara le 25 mai 1787. Elle répandit dans toute la France ce qu’elle avait découvert des besoins du trône, des fautes des ministres, des dilapidations de la cour, et des misères irrémédiables du peuple. Brienne, privé de cette assistance, recourut aux impôts, comme à une ressource dont on avait depuis quelque temps abandonné l’usage. Il demanda l’enregistrement de deux édits, celui du timbre et celui de la subvention territoriale. Mais le parlement, qui était dans toute la force de sa vie, dans toute l’ardeur de son ambition, et à qui les embarras financiers du gouvernement offraient un moyen sûr d’accroître sa puissance, refusa l’enregistrement. Relégué à Troyes, il se lassa de l’exil, et le ministre le rappela, à condition qu’il accepterait les édits. Mais ce n’était là qu’une suspension d’hostilité ; les besoins de la couronne rendirent bientôt la lutte plus vive et plus acharnée. Le ministre avait de nouvelles demandes d’argent à faire ; son existence était attachée à la réussite de plusieurs emprunts successifs, jusqu’à la concurrence de quatre cent quarante millions. Il fallait en obtenir l’enregistrement.

Brienne s’attendait à l’opposition du parlement. Il fit dès lors enregistrer cet édit dans un lit de justice ; et, pour adoucir la magistrature et l’opinion, dans la même séance les protestants