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CONVENTION NATIONALE.

Ainsi succomba le parti de la Gironde, parti illustre par de grands talents et de grands courages, parti qui honora la république naissante par l’horreur du sang, la haine du crime, le dégoût de l’anarchie, l’amour de l’ordre, de la justice et de la liberté ; parti mal placé entre la classe moyenne, dont il avait combattu la révolution, et la multitude, dont il repoussait le gouvernement. Condamné à ne pas agir, ce parti ne put qu’illustrer une défaite certaine par une lutte courageuse et par une belle mort. À cette époque, on pouvait avec certitude prévoir sa fin : il avait été chassé de poste en poste : des Jacobins, par l’envahissement des Montagnards ; de la commune, par la sortie de Pétion, du ministère, par la retraite de Roland et de ses collègues ; de l’armée, par la défection de Dumouriez. Il ne lui restait plus que la convention ; c’est là qu’il se retrancha, qu’il combattit et qu’il succomba. Ses ennemis essayèrent tour à tour contre lui et des complots et des insurrections. Les complots firent créer la commission des Douze, qui parut donner un avantage momentané à la Gironde, mais qui n’en excita que plus violemment ses adversaires. Ceux-ci mirent le peuple en mouvement, et ils enlevèrent aux Girondins, d’abord leur autorité en détruisant les Douze, ensuite leur existence politique en proscrivant leurs chefs.

Les suites de ce désastreux événement ne furent selon la prévoyance de personne. Les Dantonistes crurent que les dissensions des partis seraient terminées, et la guerre civile éclata. Les modérés du comité de salut public crurent que la convention reprendrait toute la puissance, et elle fut asservie. La commune crut que le 31 mai lui vaudrait la domination, qui échut à Robespierre et à quelques hommes dévoués à sa fortune ou à l’extrême démocratie. Enfin, il y eut un parti de plus à ajouter aux partis vaincus, et dès lors aux partis ennemis, et comme on avait fait, après le 10 août, la république contre les constitutionnels, on fit, après le 31 mai, la terreur contre les modérés de la république.