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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

phrases, il veut qu’on lui livre vingt-quatre coupables. — Qu’on nous livre tous, » s’écrient ceux qui entourent le président. Henriot se retourne alors vers les siens , et crie : Canonniers, à vos pièces ! Deux canons sont pointés sur la convention, qui recule, entre dans le jardin, le traverse et se présente à plusieurs passages qu’elle trouve également fermés. Partout les soldats sont sous les armes ; Marat parcourt leurs rangs, il excite, il encourage les insurgés : « Point de faiblesse, leur dit-il, ne quittez pas votre poste qu’on ne vous les ait livrés. » La convention rentre alors dans l’enceinte de ses séances, accablée de son impuissance, convaincue de l’inutilité de ses efforts, et tout à fait asservie. L’arrestation des proscrits n’est plus combattue. Marat, vrai dictateur de l’assemblée, décide souverainement du sort de ses membres. « Dussaulx, dit-il, est un vieillard radoteur, incapable d’être chef de parti ; Lanthénas est un pauvre d’esprit qui ne mérite pas qu’on songe à lui ; Ducos n’a eu que quelques opinions erronées, et ne saurait être un chef contre-révolutionnaire. Je demande qu’on les excepte et qu’on les remplace par Valazé. » Et l’on retranche de la liste Dussaulx, Lanthénas, Ducos, et l’on y ajoute Valazé. La liste fut ainsi arrêtée, sans que la moitié de l’assemblée prît part au décret.

Voici les noms de ces illustres proscrits. On décréta d’arrestation les Girondins Gensonné, Guadet, Brissot, Gorsas, Pétion, Vergniaud, Salles, Barbaroux, Chambon, Buzot, Birotteau, Lidon, Rabaud, Lasource, Lanjuinais, Grangeneuve, Lehardy, Lesage, Louvet, Valazé, le ministre des affaires étrangères Lebrun, le ministre des contributions Clavières, et les membres des Douze, Kervelegan, Gardien, Rabaud-Saint-Étienne, Boileau, Bertrand, Vigée, Molleveau, Henri La Rivière, Gomaire et Bergoing. La convention les mit en détention chez eux, et les plaça sous la sauvegarde du peuple. Dès ce moment, la consigne qui retenait l’assemblée prisonnière fut levée, et la multitude s’écoula ; mais, dès ce moment aussi, il n’y eut plus de convention libre.