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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

ceux-là leurs bras ; tous lui doivent leur sang. Ainsi donc tous les Français, tous les sexes, tous les âges, sont appelés par la patrie à défendre la liberté. Toutes les facultés physiques ou morales, tous les moyens politiques ou industriels, lui sont acquis ; tous les métaux, tous les éléments, sont ses tributaires. Que chacun occupe son poste dans le mouvement national et militaire qui se prépare. Les jeunes gens combattront ; les hommes mariés forgeront les armes, transporteront les bagages et l’artillerie, prépareront les subsistances ; les femmes travailleront aux habits des soldats, feront des tentes, et porteront leurs soins hospitaliers dans les asiles des blessés ; les enfants mettront le vieux linge en charpie ; et les vieillards, reprenant la mission qu’ils avaient chez les anciens, se feront porter sur les places publiques : ils enflammeront le courage des jeunes guerriers, ils propageront la haine des rois et l’unité de la république. Les maisons nationales seront converties en casernes, les places publiques en ateliers ; le sol des caves servira à préparer le salpêtre ; tous les chevaux de selle seront requis pour la cavalerie, tous les chevaux de voiture pour l’artillerie ; les fusils de chasse, de luxe, les armes blanches et les piques suffiront pour le service de l’intérieur. La république n’est plus qu’une grande ville assiégée, il faut que la France ne soit plus qu’un vaste camp. » Les mesures proposées par Barrère furent décrétées sur-le-champ. Tous les Français de dix-huit à vingt-cinq ans prirent les armes ; on refit les armées avec des réquisitions d’hommes, on les nourrit avec des réquisitions de vivres. La république eut bientôt quatorze armées et douze cent mille soldats. La France, qui devint un camp et un atelier pour les républicains, se changea en prison pour les dissidents. En marchant contre les ennemis avoués, on voulut s’assurer des ennemis secrets, et la fameuse loi des suspects fut portée. On arrêta les étrangers à cause de leurs menées, et l’on emprisonna aussi les partisans de la monarchie constitutionnelle, de la république modérée, pour être gardés jusqu’à la paix. Dans le moment, ce n’était encore qu’une me-