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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

ville Collot-d’Herbois, Fouché et Couthon, qui mitraillèrent ses habitants et démolirent ses édifices. Les insurgés de Toulon éprouvèrent, de la part des représentants Barras et Fréron, un sort à peu près semblable. À Caen, à Marseille, à Bordeaux, les exécutions furent moins générales et moins violentes, parce qu’on les proportionna à la gravité de l’insurrection, qui ne fut pas concertée avec l’étranger.

Au centre, le gouvernement dictatorial frappa, dans ce qu’ils avaient de plus élevé, tous les partis avec lesquels il était en guerre. La condamnation de la reine Marie-Antoinette fut dirigée contre l’Europe ; celle des vingt-deux le fut contre les Girondins ; celle du sage Bailly, contre les anciens constitutionnels ; enfin celle du duc d’Orléans contre certains membres de la Montagne, qui passaient pour avoir tramé son élévation. La veuve infortunée de Louis XVI fut envoyée la première à la mort par le sanglant tribunal révolutionnaire. Les proscrits du 2 juin la suivirent de près ; elle périt le 16 octobre, et les députés girondins périrent le 31. Ils étaient au nombre de vingt-un : Brissot, Vergniaud, Gensonné, Fonfrède, Ducos, Valazé, Lasource, Silléry, Gardien, Carra, Duprat, Beauvais, Duchâtel, Mainvielle, Lacaze, Boileau, Lehardy, Antiboul et Vigée. Soixante-treize de leurs collègues, qui avaient protesté contre leur arrestation, furent emprisonnés comme eux ; mais on n’osa point leur faire partager le même supplice. Pendant les débats, ces illustres accusés montrèrent le courage le plus soutenu et le plus serein. Vergniaud fit entendre un instant, mais bien en vain, son éloquente voix. En entendant la sentence, Valazé se frappa d’un coup de poignard, et Lasource dit aux juges : Je meurs dans un moment où le peuple a perdu sa raison ; vous, vous mourrez le jour où il la recouvrera. Les condamnés marchèrent au supplice avec tout le stoïcisme de ce temps. Ils chantaient la Marseillaise, en l’appliquant à leur situation :

Allons, enfants de la patrie.
Le jour de gloire est arrivé :
Contre nous de la tyrannie
Le couteau sanglant est levé, etc.