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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

domination, en se chargeant de la partie de l’esprit public et de la police. Ses associés se distribuèrent les rôles. Saint-Just eut celui de la surveillance et de la dénonciation des partis ; Couthon, celui des propositions violentes qui avaient besoin d’être adoucies dans la forme ; Billaud-Varennes et Collot-d’Herbois dirigèrent les missions dans les départements ; Carnot s’occupa de la guerre ; Cambon, des finances ; Prieur de la Côte-d’Or, Prieur de la Marne et quelques autres, des travaux intérieurs et administratifs ; et Barrère fut l’orateur journalier et le panégyriste toujours prêt du comité dictatorial. Au-dessous fut placé, comme auxiliaire dans les détails de l’administration révolutionnaire et les mesures inférieures, le comité de sûreté générale, composé dans le même esprit que le grand comité, et ayant, ainsi que lui, douze membres rééligibles tous les trois mois et toujours perpétués dans leurs fonctions.

C’est entre les mains de ces hommes que fut placée toute la force révolutionnaire. En faisant décréter le pouvoir décemviral jusqu’à la paix, Saint-Just n’avait caché ni les motifs, ni le but de cette dictature. « Vous n’avez plus rien à ménager, avait-il dit, contre les ennemis du nouvel ordre des choses, et la liberté doit vaincre à tel prix que ce soit. Dans les circonstances où se trouve la république, la constitution ne peut être établie, elle deviendrait la garantie des attentats contre la liberté, parce qu’elle manquerait de la violence nécessaire pour les réprimer. Le gouvernement présent est aussi trop embarrassé. Vous êtes trop loin de tous les attentats ; il faut que le glaive des lois se promène partout avec rapidité, et que votre bras soit présent partout ! » Ainsi fut créée cette puissance terrible qui dévora d’abord les ennemis de la Montagne, qui dévora ensuite la Montagne et la commune, et qui ne finit qu’en se dévorant elle-même. Le comité disposait de tout sous le nom de la convention, qui lui servait d’instrument. C’était lui qui nommait et destituait les généraux, les ministres, les commissaires-représentants, les juges et les jurés ; c’était lui qui frappait les factions ; c’était lui qui avait l’initiative de toutes les mesures. Par ses