Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
264
RÉVOLUTION FRANÇAISE.

l’assemblée, afin de s’appuyer sur une force morale contre la force révolutionnaire, sur le pouvoir de la convention contre le pouvoir des comités. Les Montagnards dantonistes essayèrent de détacher Robespierre des autres décemvirs ; Billaud-Varennes, Collot-d’Herbois et Saint-Just leur paraissaient seuls irrémédiablement attachés au système de la terreur. Barrère y tenait par faiblesse, Couthon par dévouement à Robespierre. Ils espéraient gagner celui-ci à la cause de la modération, par son amitié avec Danton, par ses idées d’ordre, ses habitudes d’austérité, sa profession publique de vertu et son orgueil. Il avait défendu soixante-treize députés girondins détenus, contre les comités et les Jacobins ; il avait osé attaquer Clootz et Hébert, comme ultra-révolutionnaires, et il avait pu faire décréter par la convention l’existence de l’Être Suprême. Robespierre était la plus grande renommée populaire d’alors ; il était en quelque sorte le modérateur de la république et le dictateur de l’opinion ; en le gagnant, on comptait venir à bout et des comités et de la commune, sans compromettre la cause de la révolution.

Danton le vit à son retour d’Arcis-sur-Aube, et ils parurent s’entendre ; attaqué aux Jacobins, il fut défendu par lui. Robespierre lut et corrigea lui-même le Vieux Cordelier, en l’approuvant. En même temps, il professa quelques principes de modération ; mais alors tous ceux qui exerçaient le gouvernement révolutionnaire, ou qui le croyaient indispensable, s’émurent. Billaud-Varennes et Saint-Just soutinrent ouvertement la politique des comités. En parlant du dernier, Desmoulins avait dit : Il s’estime tant, qu’il porte avec respect sa tête sur ses épaules comme un saint-sacrement. — Et moi, répondit Saint-Just, je lui ferai porter la sienne comme un saint Denis. Collot-d’Herbois, qui était en mission, arriva sur ces entrefaites ; il protégeait la faction des anarchistes, qui avaient été un moment intimidés, et auxquels sa présence redonna de l’audace. Les Jacobins rayèrent Camille-Desmoulins de leur société, et Barrère l’attaqua à la convention, au nom du gouvernement. Robespierre lui-même n’était