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CONVENTION NATIONALE.

pas épargné ; on l’accusait de modérantisme, et déjà dans les groupes on murmurait contre lui.

Cependant, comme son crédit était immense, comme on ne pouvait n’y s’attaquer ni se vaincre sans lui, on le recherchait des deux côtés. Profitant de cette position supérieure, il se tenait entre les partis sans en adopter aucun, et il cherchait à abattre leurs chefs les uns après les autres.

Dans cette circonstance, il voulait sacrifier la commune et les anarchistes ; les comités voulaient sacrifier la Montagne et les modérés. On s’entendit : Robespierre livra Danton, Desmoulins et leurs amis aux membres du comité, et les membres du comité livrèrent Hébert, Clootz, Chaumette, Ronsin, et leurs complices. En favorisant d’abord les modérés, il avait préparé la ruine des anarchistes, et il atteignit deux buts avantageux à sa domination ou à son orgueil ; il ruinait une faction redoutable, et il se débarrassait d’une réputation révolutionnaire rivale de la sienne.

Des motifs de salut public se joignaient, il faut le dire, à ces combinaisons de parti. Dans cette époque de déchaînement général contre la république, et de victoires non encore définitives de sa part, les comités ne croyaient pas le moment de la paix venu avec l’Europe et avec les dissidents intérieurs ; et il leur paraissait impossible de continuer la guerre sans dictature. Ils considéraient d’ailleurs les Hébertistes comme une faction obscène qui corrompait le peuple et servait l’étranger par l’anarchie, et les Dantonistes comme un parti dont la modération politique et l’immoralité privée compromettaient et déshonoraient la république. Le gouvernement proposa donc à l’assemblée, par l’organe de Barrère, la continuation de la guerre et un surcroît d’activité dans sa poursuite ; tandis que Robespierre vint quelques jours après demander le maintien du gouvernement révolutionnaire. Déjà il s’était prononcé aux Jacobins contre le Vieux Cordelier, qu’il avait soutenu jusque là. Voici comment il repoussa le gouvernement légal :

« Au dehors, dit-il, tous les tyrans vous cernent ; au dedans tous les amis de la tyrannie conspirent ; ils conspire-