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CONVENTION NATIONALE.

des coups utiles à la république, et il ne faut pas confondre l’innocent avec le coupable. — Eh ! qui vous a dit, reprit Robespierre avec aigreur, qu’on ait fait périr un innocent ? » Danton se tourna alors vers un de ses amis qui l’avait accompagné, et avec un sourire amer : « Qu’en dis-tu ? pas un innocent n’a péri ! » Après ces paroles, ils se séparèrent ; toute amitié fut rompue entre eux.

Peu de jours après, Saint-Just monta à la tribune, et menaça plus ouvertement qu’on ne l’avait fait encore tous les dissidents, modérés ou anarchistes. « Citoyens, dit-il, vous avez voulu une république ; si vous ne vouliez pas en même temps ce qui la constitue, elle ensevelirait le peuple sous ses débris. Ce qui constitue la république, c’est la destruction de tout ce qui lui est opposé. On est coupable contre la république, parce qu’on s’apitoie sur les détenus ; on est coupable, parce qu’on ne veut point la vertu ; on est coupable, parce qu’on ne veut point la terreur. Que voulez -vous, vous qui ne voulez point de vertu pour être heureux (les anarchistes) ? Que voulez-vous, vous qui ne voulez pas de terreur contre les méchants (les modérés) ? Que voulez-vous, vous qui courez sur les places publiques pour vous faire voir, et pour faire dire de vous : Vois-tu un tel qui passe (Danton) ? Vous périrez, vous qui courez à la fortune ; vous qui prenez un œil hagard, et affectez les patriotes pour que l’étranger vous achète, ou que le gouvernement vous place ; vous, de la faction des indulgents, qui voulez sauver les criminels ; vous, de la faction des étrangers, qui tournez la sévérité contre les défenseurs du peuple ! Des mesures sont déjà prises pour s’assurer des coupables, ils sont cernés. Rendons grâces au génie du peuple français de ce que la liberté est sortie victorieuse de l’un des plus grands attentats que l’on ait médités contre elle ! Le développement de ce vaste complot, la terreur qu’il va répandre, et les mesures qui vous seront proposées débarrasseront la république et la terre de tous les conjurés. »

Saint-Just fit donner au gouvernement les pouvoirs les plus