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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

mystiques : on l’appelait la Mère de Dieu, et elle annonçait la venue prochaine d’un messie restaurateur. Avec elle se trouvait un ancien collègue de Robespierre à la constituante, le chartreux dom Gerle, qui avait une attestation civique de Robespierre lui-même. Les comités, en découvrant les mystères de la Mère de Dieu et ses prédictions, crurent ou feignirent de croire que Robespierre se servait de ce moyen pour gagner les fanatiques et pour faire annoncer son élévation. Ils changèrent son nom de Théot en celui de Théos, qui signifie Dieu ; et dans le messie qu’elle annonçait, ils désignèrent assez adroitement Robespierre. Le vieux Vadier, au nom du comité de sûreté générale, fut chargé du rapport contre la nouvelle secte. Il était vain et subtil : il dénonça les initiés aux mystères, tourna le culte en dérision, y mêla Robespierre sans le nommer, et fit envoyer les fanatiques en prison. Robespierre voulut les sauver. La conduite du comité de sûreté générale l’irrita profondément, et dans le club des Jacobins il parla du discours de Vadier avec mépris et colère. Il essuya de nouvelles contrariétés dans le comité de salut public, qui refusa de poursuivre ceux que lui désigna Robespierre. Dès lors il ne parut plus au milieu de ses collègues de gouvernement, et n’assista que rarement aux séances de la convention. Mais il se rendit régulièrement aux Jacobins ; et c’est de la tribune de ce club qu’il crut ruiner ses ennemis comme il avait fait jusque-là.

Naturellement triste, soupçonneux, craintif, il devint plus sombre et plus défiant. Il ne sortait plus qu’accompagné de plusieurs Jacobins armés de bâtons, qu’on appelait ses gardes-du-corps. Bientôt, dans la société populaire, il commença ses dénonciations. « Il faut, dit-il, chasser de la convention tous les hommes corrompus. » C’était désigner les amis de Danton. Robespierre les faisait surveiller avec la plus minutieuse inquiétude. Chaque jour, des espions attachés à leurs pas suivaient tous leurs mouvements, l’instruisaient de leurs démarches, de leurs fréquentations et de leurs paroles. Robespierre n’attaqua pas seulement les Dantonistes aux Jaco-