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CONVENTION NATIONALE.

force armée de Paris, commandée par Henriot, était à ses ordres. Il régnait aux Jacobins, qu’il composait et qu’il épurait à son gré ; toutes les places importantes étaient occupées par ses créatures ; il avait formé lui-même le tribunal révolutionnaire et la nouvelle commune, en remplaçant le procureur-général Chaumette par l’agent national Payan, le maire Pache par le maire Fleuriot. Mais quel était son but en accordant les fonctions qui donnaient le plus d’influence à des hommes nouveaux, et en se séparant des comités ? aspirait-il à la dictature ? voulait-il seulement parvenir à sa démocratie de vertu, par la ruine de ce qu’il restait de Montagnards immoraux et de factieux du comité ? Chaque parti avait perdu ses chefs : la Gironde, les vingt-deux ; la commune, Hébert, Chaumette et Ronsin ; la Montagne, Danton, Chabot, Lacroix, Camille-Desmoulins. Mais, tout en proscrivant les chefs, Robespierre avait soigneusement protégé les masses. Il avait défendu les soixante-treize détenus contre les dénonciations des Jacobins et la haine des comités ; il s’était mis à la tête de la nouvelle commune ; il n’avait plus d’opposition à craindre pour ses projets, quels qu’ils fussent, que de la part d’un petit nombre de Montagnards et du gouvernement conventionnel. C’est contre ce double obstacle qu’il dirigea ses efforts dans les derniers moments de sa carrière. Il est probable qu’il ne séparait point la république de son protectorat, et qu’il croyait les fonder également sur la ruine des autres partis.

Les comités combattirent Robespierre à leur façon. Ils travaillèrent sourdement à sa chute en l’accusant de tyrannie ; ils faisaient considérer l’établissement de son culte comme le présage de son usurpation ; ils rappelaient son attitude orgueilleuse dans la journée du 20 prairial, la distance où il s’était placé de la convention nationale elle-même. Entre eux, ils l’appelaient Pisistrate, et ce nom passait déjà de bouche en bouche. Une circonstance, insignifiante dans un autre moment, leur permit de l’attaquer d’une manière détournée. Une vieille femme, nommée Catherine Théot, faisait la prophétesse dans un réduit obscur, entourée de quelques sectaires