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CONVENTION NATIONALE.

et aux Jacobins, afin d’être prêts à tout événement, pendant qu’il se rendrait avec ses amis dans le sein de l’assemblée.

Les comités s’étaient réunis de leur côté et avaient délibéré toute la nuit. Saint-Just avait paru au milieu d’eux. Ses collègues essayèrent de le détacher du triumvirat ; ils le chargèrent de faire un rapport sur l’événement de la veille, et de le leur soumettre. Mais, au lieu de cela, il dressa un acte d’accusation qu’il ne voulut pas leur communiquer, et leur dit en les quittant : « Vous avez flétri mon cœur : je vais l’ouvrir à la convention. » Les comités mirent tout leur espoir dans le courage de l’assemblée et dans l’union des partis. Les Montagnards n’avaient rien oublié pour amener ce salutaire concert. Ils s’étaient adressés aux membres les plus influents de la droite et du Marais. Ils avaient conjuré Boissy-d’Anglas et Durand-Maillane, qui étaient à leur tête, de se joindre à eux contre Robespierre. Ceux-ci hésitèrent d’abord : ils étaient si effrayés de la puissance de Robespierre, si pleins de ressentiments contre la Montagne, qu’ils renvoyèrent deux fois les Dantonistes sans les écouter. Enfin les Dantonistes revinrent une troisième fois à la charge, et alors la droite et la Plaine s’engagèrent à les soutenir. De part et d’autre, il y avait donc conjuration. Tous les partis de l’assemblée étaient réunis contre Robespierre, tous les complices des triumvirs étaient préparés contre la convention. C’est dans cet état que s’ouvrit la séance du 9 thermidor.

Les membres de l’assemblée s’y rendirent plus tôt qu’à l’ordinaire. Vers onze heures et demie, ils se promenaient dans les couloirs, s’encourageant les uns les autres. Le montagnard Bourdon de l’Oise aborde le modéré Durand-Maillane, lui presse la main et lui dit : « Ô les braves gens, que les gens de la droite ! » — Rovère et Tallien s’approchent aussi, et joignent leurs félicitations à celles de Bourdon. À midi, ils voient de la porte de la salle, Saint-Just monter à la tribune. C’est le moment, dit Tallien, et ils entrent dans la salle. Robespierre occupe un siège en face de la tribune, sans doute pour intimider ses adversaires de ses regards. Saint-Just commence.