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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

devenir par mon silence complice de ses forfaits. » Panis, Bentabole, Charlier, Thirion, Amar l’attaquèrent à leur tour. Fréron proposa à la convention de briser le joug funeste des comités. « Le moment est venu, dit-il, de ressusciter la liberté des opinions. Je demande que l’assemblée rapporte le décret qui accorde aux comités le droit de faire arrêter des représentants du peuple. Quel est celui qui peut parler librement lorsqu’il craint d’être arrêté ? » Quelques applaudissements se firent entendre ; mais le moment de l’affranchissement entier de la convention n’était pas encore venu ; c’était derrière les comités qu’il fallait combattre Robespierre, afin de renverser plus facilement ensuite les comités. Aussi la demande de Fréron fut repoussée. « Celui que la crainte empêche de dire son avis, dit en le regardant Billaud-Varennes, n’est pas digne du titre de représentant du peuple. » On ramena l’attention sur Robespierre. Le décret qui ordonnait l’impression fut rapporté, et la convention renvoya le discours à l’examen des comités. Robespierre, qui avait été surpris de cette fougueuse résistance, dit alors : « Quoi ! j’ai le courage de déposer dans le sein de la convention des vérités que je crois nécessaires au salut de la patrie, et l’on renvoie mon discours à l’examen des membres que j’accuse ! » Il sortit un peu découragé, mais espérant ramener l’assemblée qui s’était montrée flottante, ou bien la soumettre avec les conjurés des Jacobins et de la commune.

Il se rendit le soir à la Société populaire. Il fut reçu avec enthousiasme. Il lut le discours que l’assemblée venait de condamner, et les Jacobins le couvrirent d’applaudissements. Il leur fit alors le récit des attaques qui avaient été dirigées contre lui, et leur dit, pour les exciter davantage : « Je suis prêt, s’il le faut, à boire la coupe de Socrate. — Robespierre, s’écria un député, je la boirai avec toi. — Les ennemis de Robespierre ajoute-t-on de toutes parts, sont ceux de la patrie ; qu’il les nomme, ils auront cessé de vivre. » Pendant toute cette nuit, Robespierre disposa ses partisans pour la journée du lendemain. Il fut convenu qu’ils s’assembleraient à la commune