Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
298
RÉVOLUTION FRANÇAISE.

sein, faisaient compter sur elles ; Henriot répondait de tout. Les conjurés croyaient à une victoire certaine, ils nommaient une commission exécutive, préparaient des adresses aux armées et dressaient des listes. Cependant, vers minuit et demi, aucune section n’avait encore paru, aucun ordre n’avait été donné, les triumvirs étaient toujours en séance, et les rassemblements de la place de Grève étaient ébranlés par tant de lenteur et d’indécision. On répandit sourdement et à l’oreille le bruit que les sections s’étaient déclarées, que la commune était hors la loi, que les troupes conventionnelles avançaient. Les dispositions de cette multitude armée étaient déjà beaucoup ralenties, lorsque quelques émissaires d’avant-garde de l’assemblée se glissèrent au milieu d’elle et firent entendre le cri : Vive la convention ! Plusieurs voix le répétèrent. On lut alors la proclamation qui mettait la commune hors la loi, et, après l’avoir entendue, tous les rassemblements se dissipèrent. La place de Grève fut déserte dans un instant. Henriot descendit peu d’instants après le sabre à la main, pour entretenir leur courage, et ne trouvant plus personne : Comment ! s’écria-t-il, est-il possible ? Ces scélérats de canonniers qui m’ont sauvé la vie il y a cinq heures, m’abandonnent ainsi actuellement ! Il remonte ; dans ce moment les colonnes de la convention arrivent, cernent l’Hôtel-de- Ville, occupent en silence toutes ses issues, et poussent ensuite le cri de Vive la convention nationale !

Les conspirateurs se voyant perdus, cherchent à se soustraire aux coups de leurs ennemis en se frappant eux-mêmes. Robespierre se fracasse la mâchoire d’un coup de pistolet ; Lebas l’imite, mais plus heureux, il se tue ; Robespierre jeune se précipite d’un troisième étage et survit à sa chute ; Couthon se cache sous une table ; Saint-Just attend son sort ; Coffinhal accuse la lâcheté d’Henriot, le précipite d’une fenêtre dans un égout, et s’enfuit. Cependant les conventionnels pénètrent dans l’Hôtel-de-Ville, traversent les salles abandonnées, saisissent les conjurés et les portent en triomphe à l’assemblée. Bourdon entre dans la salle en criant :