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CONVENTION NATIONALE.

Victoire ! victoire ! les traîtres n’existent plus ! « Le lâche Robespierre est là, dit le président, on l’apporte sur un brancard ; vous ne voulez sans doute pas qu’il entre ? — Non, non ! cria-t-on, c’est à la place de la Révolution qu’il faut le porter. » Il fut déposé quelque temps au comité de sûreté générale, avant d’être transféré à la Conciergerie. Là, étendu sur une table, le visage défiguré et sanglant, livré aux regards, aux invectives, aux malédictions, il vit les divers partis applaudir à sa chute, et le charger de tous les crimes commis. Il montra beaucoup d’insensibilité pendant son agonie. Il fut conduit à la Conciergerie, et il parut ensuite devant le tribunal révolutionnaire, qui, après avoir constaté son identité et celle de ses complices, les envoya à l’échafaud. Le 10 thermidor, vers cinq heures du soir, il monta sur la charrette de mort, placé entre Henriot et Couthon, aussi mutilés que lui. Sa tête était enveloppée d’un linge sanglant, son visage était livide, et son œil presque éteint. Une foule immense se pressait autour de la charrette, témoignant la joie la plus bruyante et la plus expressive. On se félicitait, on s’embrassait, on l’accablait d’imprécations, on se rapprochait pour le mieux voir. Les gendarmes le montraient avec la pointe de leur sabre. Pour lui, il semblait prendre la foule en pitié ; Saint-Just promenait sur elle un œil tranquille ; les autres au nombre de vingt-deux, étaient abattus. Robespierre monta sur l’échafaud le dernier ; au moment où sa tête tomba, on applaudit, et ces applaudissements durèrent pendant plusieurs minutes.

En lui finit le règne de la terreur, quoiqu’il ne fût pas dans son parti le plus grand zélateur de ce système. S’il recherchait la suprématie, après l’avoir obtenue il lui fallait de la modération, et la terreur qui cessa par sa chute aurait également cessé par son triomphe. Je crois que sa perte était inévitable : il n’avait pas de force organisée ; ses partisans, quoique nombreux, n’étaient pas enrégimentés ; il n’avait qu’une grande force d’opinion et de terreur ; aussi ne pouvant pas surprendre ses ennemis par une violence à la Cromwell, il chercha à les épouvanter. La peur ne lui ayant pas réussi, il essaya de