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CONVENTION NATIONALE.

jeunesse dorée l’emportait au Palais-Royal, où elle était soutenue par les marchands ; mais les Jacobins étaient les plus forts dans le jardin des Tuileries, qui avoisinait leur club.

Ces querelles devinrent chaque jour plus animées, et Paris se transforma en un champ de bataille où le sort des partis fut abandonné aux armes. Cet état de désordre et de guerre devait avoir un terme ; et puisque les partis n’avaient pas la sagesse de s’entendre, il fallait que l’un d’eux l’emportât sur l’autre. Les thermidoriens étaient en progrès, et la victoire devait leur appartenir. Le lendemain du jour où Billaud parla du réveil du lion dans la Société populaire, il y eut une très vive agitation à Paris. On voulait prendre d’assaut le club des Jacobins. On criait dans la rue : La grande conspiration des Jacobins ! Les Jacobins hors la loi ! C’est à cette époque qu’on jugeait le comité révolutionnaire de Nantes. Celui-ci se disculpait en attribuant à Carrier les ordres sanguinaires qu’il avait exécutés, ce qui provoqua dans la convention l’examen de sa conduite. Carrier fut admis à se défendre avant d’être décrété. Il rejeta ses cruautés sur les cruautés des Vendéens eux-mêmes, et sur la fureur enivrante des guerres civiles. « Lorsque j’agissais, dit-il, les airs semblaient retentir encore des chants civiques de vingt mille martyrs qui avaient répété Vive la république ! au milieu des tortures. Comment l’humanité morte dans ces crises terribles eût-elle pu faire entendre sa voix ? Ceux qui s’élèvent contre moi, qu’eussent-ils fait à ma place ?... J’ai sauvé à Nantes la république ; je n’ai vécu que pour ma patrie, je saurai mourir pour elle. » Sur cinq cents votants, quatre cent quatre-vingt-dix-huit se déclarèrent pour l’accusation ; les autres la prononcèrent aussi, mais conditionnellement.

Les Jacobins, voyant qu’on allait des agents subalternes aux représentants eux-mêmes, se crurent perdus. Ils essayèrent de remuer la multitude, moins pour défendre Carrier que pour soutenir leur parti de plus en plus menacé. Mais ils furent contenus par la troupe dorée et les sectionnaires, qui se portèrent dans le lieu de leurs séances, pour dissoudre le club.