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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

le retour presque géométrique de l’action populaire, il devait s’écouler quelques mois encore.

On continua à abolir le régime décemviral. Le décret d’expulsion contre les prêtres et les nobles, qui avaient formé deux classes proscrites sous la terreur, fut révoqué ; on supprima le maximum, afin de rétablir la confiance, en faisant cesser la tyrannie commerciale ; on s’occupa ardemment de substituer la liberté la plus généreuse à la compression despotique du comité de salut public. Cette époque fut marquée aussi par l’indépendance des journaux, le rétablissement des cultes et la renonciation aux biens confisqués sur les fédéralistes pendant le règne des comités. C’était une réaction complète contre le gouvernement révolutionnaire ; elle atteignit bientôt Marat et la Montagne. Après le 9 thermidor, on avait eu besoin d’opposer une grande réputation révolutionnaire à celle de Robespierre, et l’on avait choisi Marat. On lui décerna les honneurs du Panthéon, que Robespierre avait différé de lui rendre pendant sa toute-puissance. Mais il fut alors attaqué à son tour. Son buste était dans la convention, aux théâtres, sur les places publiques, dans les assemblées populaires. La jeunesse dorée le brisa au théâtre Feydeau. Des réclamations s’élevèrent de la Montagne ; mais la convention décréta qu’aucun citoyen ne pourrait obtenir les honneurs du Panthéon, et que son buste ne pourrait être placé dans le sein de la convention que dix ans après sa mort. Le buste de Marat disparut de la salle des séances ; et comme la fermentation était très grande dans les faubourgs, les sections, renfort ordinaire de l’assemblée, vinrent défiler au milieu d’elle. Il y avait aussi en face des Invalides une montagne surmontée d’une statue colossale, représentant Hercule écrasant une hydre. La section de la Halle-au-Blé vint demander qu’elle fût abattue. La gauche de l’assemblée fit entendre quelques murmures. « Ce géant, dit un membre, est l’image du peuple. — Je ne vois là qu’une montagne, lui répondit un autre ; et qu’est-ce qu’une montagne, si ce n’est une protestation éternelle contre l’égalité ? » Ces paroles furent couvertes