d’applaudissements ; elles suffirent pour faire accueillir la pétition, et renverser ce monument de la victoire et de la domination d’un parti.
C’est alors qu’on rappela les conventionnels proscrits : depuis quelque temps on avait révoqué leur mise hors la loi. Isnard et Louvet écrivirent à l’assemblée, pour être réintégrés dans leurs droits : on leur objectait toujours les suites du 31 mai et l’insurrection des départements. « Je ne ferai point à la convention nationale, dit Chénier, qui parla en leur faveur, l’injure de lui remettre devant les yeux le fantôme du fédéralisme, dont on a osé faire le principal chef d’accusation de vos collègues. Ils ont fui, dira-t-on ; ils se sont cachés. Voilà donc leur crime ! et plût aux destinées de la république que ce crime eût été celui de tous ! Pourquoi ne s’est-il pas trouvé des cavernes assez profondes pour conserver à la patrie les méditations de Condorcet et l’éloquence de Vergniaud ? Pourquoi, le 10 thermidor, une terre hospitalière n’a-t-elle pas rendu à la lumière cette colonie d’énergiques patriotes et de républicains vertueux ? Mais on craint des projets de vengeance de la part de ces hommes aigris par l’infortune. Instruits à l’école du malheur, ils ont appris à gémir sur les erreurs humaines. Non, non, Condorcet, Rabaud-Saint-Étienne, Vergniaud, Camille-Desmoulins ne veulent pas d’holocaustes de sang ; et ce n’est point par des hécatombes qu’on apaisera leurs mânes ! » La gauche repoussa la motion de Chénier. « Vous allez, s’écria Bentabole, réveiller toutes les passions. Si vous attaquez l’insurrection du 31 mai, vous faites le procès aux quatre-vingt mille hommes qui y ont concouru. — Gardons-nous, répondit Sièyes, de confondre l’ouvrage de la tyrannie avec celui des principes. Lorsque des hommes, appuyés d’une autorité subalterne, rivale de la nôtre, furent venus à bout d’organiser le plus grand de tous les crimes, dans les fatales journées du 31 mai et du 2 juin, ce ne fut point un ouvrage du patriotisme, mais un attentat de la tyrannie ; aussi, depuis cette époque, vous avez vu la convention dominée, la majorité opprimée.