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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

roi, les grâces et la démarche de la reine, et autant que cela, les espérances communes, exaltaient tout le monde. Mais on remarqua avec peine l’étiquette, les costumes, l’ordre de rangs des états de 1614. Le clergé, en soutane, grand manteau, bonnet carré, ou en robe violette et en rochet, occupait la première place. Venait ensuite la noblesse, en habit noir, veste et parement de drap d’or, cravate de dentelle, et chapeau à plumes blanches, retroussé à la Henri IV. Enfin le modeste tiers-état se trouvait le dernier, vêtu de noir, le manteau court, la cravate de mousseline, et le chapeau sans plumes et sans ganses. À l’église, les mêmes distinctions existèrent pour les places entre les trois ordres.

Le lendemain, la séance royale eut lieu dans la salle des Menus. Des tribunes en amphithéâtre étaient remplies de spectateurs. Les députés furent appelés et introduits suivant l’ordre établi en 1614. Le clergé était conduit à droite, la noblesse à gauche, les communes en face du trône placé au fond de la salle. De vifs applaudissements accueillirent la députation du Dauphiné, celle de Crépi en Valois dont faisait partie le duc d’Orléans, et celle de Provence. M. Necker, lorsqu’il entra, fut aussi l’objet de l’enthousiasme général. La faveur publique s’attachait à tous ceux qui avaient contribué à la convocation des états-généraux. Lorsque les députés et les ministres eurent pris leurs places, le roi parut, suivi de la reine, des princes et d’un brillant cortège. La salle retentit d’applaudissements à son arrivée. Louis XVI se plaça sur son trône ; et dès qu’il eut mis son chapeau, les trois ordres se couvrirent en même temps. Les communes, contre l’usage des anciens états, imitèrent, sans hésiter le clergé et la noblesse : le temps était passé où le troisième ordre devait se tenir découvert et parler à genoux. On attendit alors dans le plus grand silence les paroles du roi. On était avide d’apprendre quelles étaient les dispositions réelles du gouvernement à l’égard des états. Voudrait-il assimiler la nouvelle assemblée aux anciennes, ou bien lui accorderait-il le rôle que lui assignaient les besoins de l’état et la grandeur des circonstances ?