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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

parti se réunissaient au théâtre Feydeau, au boulevard des Italiens, au Palais-Royal, et faisaient la chasse des Jacobins, en chantant le Réveil du peuple. Le mot de proscription, dans ce temps, était celui de terroriste, au moyen duquel un honnête homme pouvait, en toute conscience, courir sur un révolutionnaire. La classe des terroristes s’étendait au gré des passions des nouveaux réacteurs, qui portaient les cheveux à la victime, et qui, ne craignant plus d’avouer leurs intentions, avaient adopté depuis quelque temps l’habit gris à revers, collet noir ou vert, uniforme des chouans.

Mais cette réaction fut bien plus fougueuse dans les départements, où aucune puissance ne put s’interposer pour prévenir le carnage. Il n’y avait là que deux partis, celui qui avait dominé et celui qui avait souffert sous la Montagne. La classe intermédiaire était alternativement gouvernée par les royalistes et par les démocrates. Ceux-ci, présageant les terribles représailles dont ils seraient l’objet en succombant, tinrent tant qu’ils purent ; mais leur défaite à Paris entraîna leur chute dans les départements. On vit alors des exécutions de parti semblables à celles des proconsuls du comité de salut public. Le Midi fut surtout en proie aux massacres en masse et aux vengeances personnelles. Il s’était organisé des compagnies de Jésus et des compagnies du Soleil, qui étaient royalistes par leur institution, et qui exécutèrent d’épouvantables représailles. À Lyon, à Aix, à Tarascon, à Marseille, on égorgea dans les prisons ceux qui avaient participé au régime précédent. Presque tout le Midi eut son 2 septembre. À Lyon, après les premiers massacres des révolutionnaires, les hommes de la compagnie faisaient la chasse à ceux qui n’avaient point été pris, et lorsqu’ils en rencontraient un, sans autre forme que ce seul mot : Voilà un matavon (c’est ainsi qu’ils les appelaient), ils le tuaient et le jetaient dans le Rhône. À Tarascon, on les précipitait du haut de la tour sur un rocher qui bordait le Rhône. Pendant cette terreur en sens inverse, et cette défaite générale du parti révolutionnaire, l’Angleterre et l’émigration tentèrent l’entreprise hardie de Quiberon.