Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
334
RÉVOLUTION FRANÇAISE.

gue habitude de l’autorité ne les conduisît pas à l’usurpation. Ils eurent la direction de la force armée et des finances, la nomination des fonctionnaires, la conduite des négociations : mais ils ne purent rien faire par eux-mêmes ; il leur fallut des ministres et des généraux, de la conduite desquels ils furent responsables. Chacun d’eux fut président pendant trois mois, et eut alors la signature et les sceaux. Tous les ans le directoire dut se renouveler par cinquième. Les attributions de la royauté de 1791 furent, comme on le voit, partagées entre le conseil des anciens, qui eut le veto, et le directoire, qui eut le pouvoir exécutif. Le directoire reçut une garde, un palais national, le Luxembourg pour demeure, et une sorte de liste civile. Le conseil des anciens, destiné à arrêter les écarts du pouvoir législatif, fut investi des moyens de réprimer les usurpations du directoire : il put changer la résidence des conseils et du gouvernement.

La prévoyance de cette constitution était infinie : elle prévenait les violences populaires, les attentats du pouvoir, et pourvoyait à tous les périls qu’avaient signalés les diverses crises de la révolution. Certainement si une constitution avait pu se consolider à cette époque, c’était la constitution directoriale. Elle refaisait le pouvoir, permettait la liberté, et offrait aux divers partis l’occasion de la paix, si chacun d’eux, sans arrière-pensée, ne songeant plus à la domination exclusive et se contentant du droit commun, eut pris sa véritable place dans l’état. Mais elle ne dura pas plus que les autres, parce qu’elle ne put pas établir l’ordre légal malgré les partis. Chacun d’eux aspira au gouvernement pour faire valoir son système et ses intérêts, et, au lieu du règne de la loi, il fallut retomber encore dans celui de la force et des coups d’état. Lorsque les partis ne veulent pas finir une révolution, et ceux qui ne dominent point ne le veulent jamais, une constitution, quelque bonne qu’elle soit, ne peut pas le faire.

Les membres de la commission des Onze, qui, avant les journées de prairial, n’avaient pas d’autre mission que de préparer les lois organiques de la constitution de 93, et qui, après