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DIRECTOIRE EXÉCUTIF.

d’ordre et d’administration. Il n’y avait point d’argent dans le trésor public : les courriers étaient souvent retardés, faute de la somme modique nécessaire pour les faire partir. Au dedans, l’anarchie et le malaise étaient partout ; le papier-monnaie parvenu au dernier degré de ses émissions et de son discrédit, détruisait toute confiance et tout commerce ; la famine se prolongeait, chacun refusant de vendre ses denrées, car c’eût été les donner ; les arsenaux étaient épuisés ou presque vides. Au dehors, les armées étaient sans caissons, sans chevaux, sans approvisionnements ; les soldats étaient nus, et les généraux manquaient souvent de leur solde de huit francs numéraire par mois, supplément indispensable, quoique bien modique, de leur solde en assignats. Enfin, les troupes, mécontentes et sans discipline, à cause de leurs besoins, étaient de nouveau battues et sur la défensive.

Cette crise s’était déclarée après la chute du comité de salut public. Celui-ci avait prévenu la disette, tant à l’armée que dans l’intérieur, par les réquisitions et le maximum. Personne n’avait osé se soustraire à ce régime financier, qui rendait les riches et les commerçants tributaires des soldats et de la multitude, et, à cette époque, les denrées n’avaient pas été enfouies. Mais depuis, la violence et la confiscation n’existant plus, le peuple, la convention, les armées avaient été à la merci des propriétaires et des spéculateurs, et il était survenu une effroyable pénurie, réaction contre le maximum. Le système de la convention avait consisté en économie politique dans la consommation d’un immense capital, représenté par les assignats. Cette assemblée avait été un gouvernement riche, qui s’était ruiné à défendre la révolution. Près de la moitié du territoire français, consistant en domaines de la couronne, en biens du haut clergé, du clergé régulier et de la noblesse émigrée, avait été vendu ; et le produit avait servi à l’entretien du peuple, qui travaillait peu, et à la défense extérieure de la république par les armées. Plus de huit milliards d’assignats avaient été émis avant le 9 thermidor, et depuis cette époque, on avait ajouté trente milliards à cette somme déjà si énorme.