Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/356

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
352
RÉVOLUTION FRANÇAISE.

avec celle de Sambre-et-Meuse, de cerner Mayence et de s’en rendre maîtres, afin d’occuper toute la ligne du Rhin. Pichegru fit complètement manquer ce projet : quoique revêtu de toute la confiance de la république, et jouissant de la plus grande renommée militaire de l’époque, il noua des trames contre-révolutionnaires avec le prince de Condé ; mais ils ne purent pas s’entendre. Pichegru engageait le prince émigré à pénétrer en France avec ses troupes, par la Suisse ou par le Rhin, lui promettant son inaction, la seule chose qui dépendît de lui. Le prince exigeait au préalable, que Pichegru fit arborer le drapeau blanc à son armée, qui était toute républicaine. Cette hésitation nuisit sans doute aux projets des réactionnaires, qui préparaient la conspiration de vendémiaire. Mais Pichegru voulant, de manière ou d’autre, servir ses nouveaux alliés et trahir sa patrie, se fit battre à Heidelberg, compromit l’armée de Jourdan, évacua Manheim, leva le siège de Mayence avec des pertes considérables, et exposa cette frontière.

Le directoire trouva le Rhin ouvert du côté de Mayence ; la guerre de la Vendée rallumée ; les côtes de l’Océan et de la Hollande menacées d’une descente de la part de l’Angleterre ; enfin, l’armée d’Italie qui, manquant de tout, soutenait mal la défensive, sous Schérer et sous Kellermann. Carnot prépara un nouveau plan de campagne, qui devait cette fois porter les armées de la république au cœur même des états ennemis. Bonaparte, nommé général de l’intérieur après les journées de vendémiaire, fut mis à la tête de l’armée d’Italie ; Jourdan conserva le commandement de l’armée de Sambre-et-Meuse, et Moreau eut celui de l’armée du Rhin, à la place de Pichegru. Celui-ci, dont le directoire suspectait la trahison, sans en être assuré, reçut l’offre de l’ambassade de Suède, qu’il refusa pour se retirer à Arbois, sa patrie. Les trois grandes armées, placées sous les ordres de Bonaparte, de Jourdan et de Moreau, devaient attaquer la monarchie autrichienne par l’Italie et par l’Allemagne, se joindre au débouché du Tyrol et marcher sur Vienne, en s’échelonnant. Les généraux se disposèrent à exécuter ce vaste mouvement, qui, en réussissant,