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DIRECTOIRE EXÉCUTIF.

passage des institutions publiques aux croyances individuelles, tout ce qui avait été liberté devint civilisation, et tout ce qui avait été culte devint opinion. Il resta des déistes ; mais il n’y eut plus de théophilanthropes.

Le directoire, pressé par le besoin d’argent et par le désastreux état des finances, recourut à des moyens encore un peu extraordinaires. Il avait vendu ou engagé les effets les plus précieux du Garde-Meuble pour subvenir aux nécessités les plus urgentes. Il restait encore des biens nationaux ; mais ils se vendaient mal et en assignats. Le directoire proposa un emprunt forcé, que les conseils décrétèrent : c’était un reste de mesure révolutionnaire à l’égard des riches ; mais, ayant été accordée en tâtonnant, et conduite sans autorité, cette mesure ne réussit pas. Le directoire essaya alors de rajeunir le papier-monnaie ; il proposa des mandats territoriaux, qui devaient être employés à retirer les assignats en circulation, sur le pied de trente pour un, et à faire fonction de monnaie. Les mandats territoriaux furent décrétés par les conseils jusqu’à la valeur de deux milliards quatre cents millions. Ils eurent l’avantage de pouvoir être échangés sur-le-champ, et par l’effet de leur présentation, avec les domaines nationaux qui les représentaient. Ils en firent vendre beaucoup ; et, de cette manière, ils achevèrent la mission révolutionnaire des assignats, dont ils furent la seconde période. Ils procurèrent au directoire une ressource momentanée ; mais ils se décréditèrent aussi, et conduisirent insensiblement à la banqueroute, qui fut le passage du papier à la monnaie.

La situation militaire de la république n’était pas brillante : il y avait eu, à la fin de la convention, un ralentissement de victoires. La position équivoque et la faiblesse de l’autorité centrale, autant que la pénurie, avaient relâché la discipline des troupes. D’ailleurs, les généraux étaient disposés à l’insubordination, pour peu qu’ils eussent signalé leur commandement par des victoires, et qu’ils ne fussent pas éperonnés par un gouvernement énergique. La convention avait chargé Pichegru et Jourdan, l’un à la tête de l’armée du Rhin, l’autre