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DIRECTOIRE EXÉCUTIF.

chit bientôt les défilés du Tyrol, et déboucha dans les plaines de l’Allemagne. Sur ces entrefaites, les deux armées du Rhin sous Moreau, et de la Meuse sons Hoche, reprirent avec succès le plan de la compagne précédente ; et le cabinet de Vienne alarmé conclut l’armistice de Léoben. Il avait usé toutes ses forces, essayé tous ses généraux, tandis que la république française était dans toute sa vigueur conquérante.

L’armée d’Italie accomplit en Europe l’œuvre de la révolution française. Cette campagne prodigieuse fut due à la rencontre d’un général de génie et d’une armée intelligente. Bonaparte eut pour lieutenants des généraux capables de commander eux-mêmes, qui surent prendre sur eux la responsabilité d’un mouvement ou d’une bataille, et une armée de citoyens, ayant tous l’esprit cultivé, l’âme haute, l’émulation des grandes choses, passionnés pour une révolution qui agrandissait leur patrie, qui conservait leur indépendance sous la discipline, et qui destinait chaque soldat à devenir général. Il n’est rien qu’un chef de génie ne fasse avec de pareils hommes. Il dut regretter plus tard, au souvenir de ses premières années, d’avoir appelé à lui toute liberté et toute intelligence, d’avoir fait des armées mécaniques et des généraux à mot d’ordre. Bonaparte commença la troisième époque de la guerre. La campagne de 1792 s’était faite d’après l’ancien système, avec des corps dispersés, agissant un à un, sans abandonner leur ligne. Le comité de salut public concentra les corps ; les fit opérer non plus en face, mais à distance ; il précipita leur mouvement et les dirigea sur un but commun. Bonaparte fit pour chaque bataille ce que le comité faisait pour chaque campagne. Il porta tous ces corps sur le point décisif et désorganisa plusieurs armées avec une seule, par la rapidité de ses coups. Il disposa des masses à son gré, les fit mouvoir hors du regard, et les eut sous la main, à point nommé, pour occuper une position ou pour gagner une bataille. Sa diplomatie fut aussi supérieure que sa science militaire.

Tous les gouvernements de l’Italie, excepté Venise et Gênes, avaient adhéré à la coalition, mais les peuples penchaient