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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

tion ou dans la réunion des ordres. Cette importante question s’éleva à propos de la vérification des pouvoirs. Les députés populaires prétendaient avec raison qu’elle devait être faite en commun, puisque, même en se refusant à la réunion des ordres, on ne pouvait pas contester l’intérêt que chacun d’eux avait à l’examen des pouvoirs des autres ; les députés privilégiés prétendaient au contraire que, les ordres ayant une existence distincte, la vérification devait être respective. Ils sentaient qu’une seule opération commune rendrait pour l’avenir toute séparation impossible.

Les communes agirent avec beaucoup de circonspection, de maturité et de constance. Ce fut par une suite d’efforts, qui n’était pas sans périls, de succès lents et peu décisifs, de luttes constamment renaissantes, qu’elles arrivèrent à leur but. L’inaction systématique qu’elles adoptèrent dès le commencement était le parti le plus sage et le plus sûr : il est des occasions où il ne faut que savoir attendre pour triompher. Les communes étaient unanimes, et formaient à elles seules la moitié numérique des états-généraux ; la noblesse comptait dans son sein des dissidents populaires ; la majorité du clergé, composée de quelques évêques amis de la paix, et de la nombreuse classe des curés, qui était le tiers-état de l’Église, avait des dispositions favorables aux communes. La lassitude devait donc opérer la réunion ; c’est ce que le tiers espéra, ce que les évêques craignirent, et ce qui les engagea, le 15 mai, à se proposer pour médiateurs. Mais cette médiation devait être sans résultat, puisque la noblesse ne voulait point le vote par tête, ni les communes le vote par ordre. Aussi les conférences conciliatoires, après avoir été vainement prolongées jusqu’au 27 mai, furent rompues par la noblesse, qui se prononça pour la vérification séparée.

Le lendemain de cette détermination hostile, les communes, résolues à se déclarer assemblée de la nation, invitèrent, au nom du Dieu de paix et de l’intérêt public, le clergé à se réunir à elles. La cour, alarmée de cette démarche, intervint pour faire reprendre les conférences. Les premiers commis-