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DIRECTOIRE EXÉCUTIF.

grands, toujours plus qu’ils ne peuvent. Ainsi, pendant que le directoire voyait dans l’expédition d’Égypte l’éloignement d’un général redoutable et l’espérance d’attaquer les Anglais par l’Inde, Bonaparte y vit une conception gigantesque, un emploi de son goût et un nouveau moyen d’étonner les hommes. Il partit de Toulon, le 30 floréal an VI (19 mai 1798), avec une flotte de quatre cents voiles et une partie des troupes d’Italie ; il cingla vers Malte, dont il se rendit maître, et de là vers l’Égypte.

Le directoire, qui violait la neutralité de la Porte ottomane pour atteindre les Anglais, avait déjà violé celle de la Suisse pour expulser les émigrés de son territoire. Les opinions françaises avaient pénétré dans Genève et dans le pays de Vaud ; mais la politique de la confédération suisse était contre-révolutionnaire, à cause de l’influence de l’aristocratie de Berne. On avait chassé des cantons tous les Suisses qui s’étaient montrés partisans de la république française. Berne était le quartier-général des émigrés, et c’était de là que se formaient tous les complots contre la révolution. Le directoire se plaignit ; et il ne fut pas satisfait. Les Vaudois, placés par les anciens traités sous la protection de la France, invoquèrent son appui contre la tyrannie de Berne. L’appel des Vaudois, ses propres griefs, le désir d’étendre le système républicain-directorial en Suisse, beaucoup plus que la tentation de prendre le petit trésor de Berne, comme on le lui a reproché, décidèrent le directoire. Il y eut des pourparlers qui ne menèrent à rien, et la guerre s’engagea. Les Suisses se défendirent avec beaucoup de courage et d’obstination, et crurent ressusciter le temps de leurs ancêtres ; mais ils succombèrent. Genève fut réunie à la France, et la Suisse échangea son antique constitution pour la constitution de l’an III. Dès ce moment, il exista deux partis dans la confédération, dont l’un fut pour la France et la révolution, et l’autre pour la contre-révolution et l’Autriche. La Suisse cessa d’être une barrière commune, et devint le grand chemin de l’Europe.

Cette révolution avait été suivie de celle de Rome. Le géné-