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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

seils par les commissions des inspecteurs, qui avaient en lui une confiance illimitée. Bonaparte dut gagner les généraux et les divers corps de troupes qui se trouvaient à Paris, et qui montraient beaucoup d’enthousiasme et de dévouement pour sa personne. On convint de convoquer, d’une manière extraordinaire, les membres les plus modérés des conseils ; de peindre aux anciens les dangers publics ; de leur demander, en leur présentant l’imminence du jacobinisme, la translation du corps législatif à Saint-Cloud, et la nomination du général Bonaparte au commandement de la force armée, comme le seul homme qui pût sauver la patrie ; d’obtenir ensuite, au moyen du nouveau pouvoir militaire, la désorganisation du directoire et la dissolution momentanée du corps législatif. L’entreprise fut fixée au 18 brumaire (9 novembre), au matin.

Pendant ces trois jours, le secret fut fidèlement gardé. Barras, Moulins et Gohier, qui formaient la majorité du directoire, dont Gohier était alors président, auraient pu, en prenant l’avance sur les conjurés, comme au 18 fructidor, déjouer leur coup d’état. Mais ils croyaient à des espérances de leur part et non à des projets arrêtés. Le 18 au matin, les membres des anciens furent convoqués d’une manière inusitée par les inspecteurs ; ils se rendirent aux Tuileries, et entrèrent en séance vers les sept heures, sous la présidence de Lemercier. Cornudet, Lebrun et Fargues, trois des conjurés les plus influents dans le conseil, présentèrent le tableau le plus alarmant de la situation publique : ils assurèrent que les Jacobins venaient en foule à Paris de tous les départements ; qu’ils voulaient rétablir le gouvernement révolutionnaire, et que la terreur ravagerait de nouveau la république, si le conseil n’avait pas le courage et la sagesse d’en prévenir le retour. Un autre conjuré, Régnier (de la Meurthe), demanda aux anciens, déjà ébranlés, qu’en vertu du droit que leur conférait la constitution, ils transférassent le corps législatif à Saint-Cloud, et que Bonaparte, nommé par eux commandant de la 17e division militaire, fût chargé de la translation. Soit que le conseil entier fût complice de cette manœuvre, soit