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DIRECTOIRE EXÉCUTIF.

qu’il fût frappé d’une crainte réelle, d’après une convocation si précipitée et des discours si alarmants, il accorda tout ce que les conjurés demandèrent.

Bonaparte attendait avec impatience le résultat de cette délibération, dans sa maison, rue Chantereine : il était entouré de généraux, du commandant de la garde du directoire, Lefèvre, et de trois régiments de cavalerie qu’il devait passer en revue. Le décret du conseil des anciens, rendu à huit heures, lui fut apporté à huit heures et demie par un messager d’état. Il reçut les félicitations de tous ceux qui formaient son cortége : les officiers tirèrent leurs épées en signe de fidélité. Il se mit à leur tête, et ils marchèrent aux Tuileries ; il se rendit à la barre du conseil des anciens, prêta serment de fidélité, et nomma pour son lieutenant Lefèvre, chef de la garde directoriale.

Néanmoins ce n’était là qu’un commencement de succès. Bonaparte était chef du pouvoir armé ; mais le pouvoir exécutif du directoire et le pouvoir législatif des conseils existaient encore. Dans la lutte qui devait infailliblement s’établir, il n’était pas sûr que la grande et jusque-là victorieuse force de la révolution ne l’emportât point. Sièyes et Roger-Ducos se rendirent du Luxembourg au camp législatif et militaire des Tuileries, et donnèrent leur démission. Barras, Moulins et Gohier, avertis de leur côté, mais un peu tard, de ce qui se passait, voulurent user de leur pouvoir et s’assurer de leur garde ; mais celle-ci, ayant reçu par Bonaparte communication du décret des anciens, refusa de leur obéir. Barras, découragé, envoya sa démission et partit pour sa terre de Gros-Bois. Le directoire fut dissous de fait, et il y eut un antagoniste de moins dans la lutte. Les cinq-cents et Bonaparte restèrent seuls en présence.

Le décret du conseil des anciens et les proclamations de Bonaparte furent affichés sur les murs de Paris. On apercevait dans cette grande ville l’agitation qui accompagne les événements extraordinaires. Les républicains éprouvaient, non sans raison, de sérieuses alarmes pour la liberté. Mais lorsqu’ils