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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

eux furent condamnés à la déportation à la Guiane, et vingt-un à la mise en surveillance dans le département de la Charente-Inférieure, par un simple arrêté des consuls, sur le rapport du ministre de la police Fouché. On n’aimait pas les hommes que frappait le gouvernement ; mais on se souleva contre un acte aussi arbitraire et aussi injuste. Aussi les consuls reculèrent devant leur propre ouvrage ; ils changèrent d’abord la déportation en simple surveillance, et ils annulèrent bientôt la surveillance elle-même.

La rupture ne tarda pas d’éclater entre les auteurs du 18 brumaire, pendant la durée de leur autorité provisoire ; elle fut peu bruyante, parce qu’elle eut lieu dans le sein des commissions législatives. La constitution nouvelle en fut la cause. Sièyes et Bonaparte ne pouvaient point s’entendre à cet égard : l’un voulait instituer la France, et l’autre la gouverner en maître.

Le projet de constitution de Sièyes, qui fut défiguré dans la constitution consulaire de l’an VIII, mérite d’être connu, ne fut-ce que comme curiosité législative. Sièyes distribuait la France en trois divisions politiques : la commune, la province ou département, et l’état. Chacune avait ses pouvoirs d’administration et de judicature, placés dans un ordre hiérarchique : la première, les municipalités et les tribunaux de paix et de première instance ; la seconde, des préfectures populaires et les tribunaux d’appel ; la troisième, le gouvernement central et la cour de cassation. Il y avait, pour remplir les diverses fonctions de la commune, du département et de l’état, trois listes de notabilité, dont les membres n’étaient que de simples candidats présentés par le peuple.

Le pouvoir exécutif résidait dans le proclamateur-électeur, fonctionnaire supérieur, inamovible, irresponsable, chargé de représenter la nation au dehors, et de former le gouvernement dans un conseil d’état délibérant et un ministère responsable. Le proclamateur-électeur choisissait dans les listes de candidature, des juges, depuis les tribunaux de paix jusqu’à la cour de cassation ; des administrateurs, depuis les maires jusqu’aux