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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

des états, la trouva envahie par la force armée, et protesta contre cet acte de despotisme. Sur ces entrefaites, les députés survinrent, la rumeur augmenta ; tous se montrèrent résolus à braver les périls d’une réunion. Les plus indignés voulaient aller tenir l’assemblée à Marly, sous les fenêtres même du prince ; une voix désigna le Jeu de Paume ; cette proposition fut accueillie, et les députés s’y rendirent en cortége. Bailly était à leur tête ; le peuple les suivit avec enthousiasme ; des soldats vinrent eux-mêmes leur servir de gardes ; et là, dans une salle dépouillée, les députés des communes debout, les mains élevées, le cœur plein de la sainteté de leur mission, jurèrent tous, hors un seul, de ne se séparer qu’après avoir donné une constitution à la France.

Ce serment solennel, prêté le 20 juin, à la face de la nation, fut suivi le 22 d’un important triomphe. L’assemblée, toujours privée du lieu de ses séances, ne pouvant plus se réunir dans le Jeu de Paume que les princes avaient fait retenir pour qu’on le leur refusât, se rendit à l’église de Saint-Louis. C’est dans cette séance que la majorité du clergé se réunit à elle, au milieu des plus patriotiques transports. Ainsi, les mesures prises pour intimider l’assemblée élevèrent son courage, et hâtèrent la réunion qu’elles devaient empêcher. Ce fut par deux échecs que la cour préluda à la fameuse séance du 23 juin.

Elle arriva enfin. Une garde nombreuse entoura la salle des états-généraux ; la porte fut ouverte aux députés, mais interdite au public. Le roi parut environné de l’appareil de la puissance. Il fut reçu, contre l’ordinaire, dans un morne silence. Le discours qu’il prononça mit le comble au mécontentement, par le ton d’autorité avec lequel il dicta des mesures réprouvées par l’opinion et par l’assemblée. Le roi se plaignit d’un désaccord excité par la cour elle-même ; il condamna la conduite de l’assemblée qu’il ne reconnut que comme l’ordre du tiers-état ; il cassa tous ses arrêtés, prescrivit le maintien des ordres, imposa les réformes et détermina leurs limites, enjoignit aux états-généraux de les accepter, les menaça