Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
417
CONSULAT.

un autre sens, par une inquiétude qui agite les Français. Vous pouvez enchaîner le temps, maîtriser les événements, désarmer les ambitieux, tranquilliser la France entière en lui donnant des institutions qui cimentent votre édifice, et qui prolongent pour les enfants ce que vous fîtes pour les pères. Citoyen premier consul, soyez bien assuré que le sénat vous parle ici au nom de tous les citoyens. »

Bonaparte répondit de Saint-Cloud, le 5 floréal an XII (25 avril 1804), au sénat : « Votre adresse n’a pas cessé d’être présente à ma pensée ; elle a été l’objet de mes méditations les plus constantes. Vous avez jugé l’hérédité de la suprême magistrature nécessaire pour mettre le peuple à l’abri des complots de nos ennemis et des agitations qui naîtraient d’ambitions rivales. Plusieurs de nos institutions vous ont en même temps paru devoir être perfectionnées pour assurer sans retour le triomphe de l’égalité et de la liberté publique, et offrir à la nation et au gouvernement la double garantie dont ils ont besoin. À mesure que j’ai arrêté mon attention sur ces grands objets, j’ai senti de plus en plus que, dans une circonstance aussi nouvelle qu’importante, les conseils de votre sagesse et de votre expérience m’étaient nécessaires pour fixer toutes mes idées. Je vous invite donc à me faire connaître votre pensée tout entière. » Le sénat répliqua à son tour, le 14 floréal (3 mai) : « Le sénat pense qu’il est du plus grand intérêt du peuple français de confier le gouvernement de la république à Napoléon Bonaparte, empereur héréditaire. » C’est par cette scène arrangée qu’on préluda à l’établissement de l’empire.

Le tribun Curée engagea la discussion, dans le tribunat, par une motion d’ordre ; il fit valoir les mêmes motifs que ceux des sénateurs. Sa motion fut accueillie avec empressement. Carnot seul eut le courage de combattre l’empire. « Je suis loin, dit-il, de vouloir atténuer les louanges données au premier consul ; mais quelques services qu’un citoyen ait pu rendre à sa patrie, il est des bornes que l’honneur, autant que la raison, imposent à la reconnaissance nationale. Si ce