Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/420

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
416
RÉVOLUTION FRANÇAISE.

nacée du premier consul ; il reçut des adresses de tous les corps de l’état et de tous les départements de la république. Vers ce même temps, il frappa une illustre victime. Le 15 mars, le duc d’Enghien fut enlevé par un escadron de cavalerie au château d’Etteinheim, dans le grand-duché de Bade, à quelques lieues du Rhin. Le premier consul crut, d’après des rapports de police, que ce prince avait dirigé le dernier complot. Le duc d’Enghien fut conduit précipitamment à Vincennes, jugé en quelques heures par une commission militaire, et fusillé dans les fossés du château. Cet attentat ne fut point un acte de politique, d’usurpation, mais bien de violence et de colère. Les royalistes avaient pu croire, au 18 brumaire, que le premier consul étudiait le rôle de Monk ; mais, depuis quatre années, il leur avait ôté cette espérance. Il n’avait plus besoin de rompre avec eux d’une manière aussi sanglante, ni de rassurer, comme on l’a dit, les Jacobins, qui n’existaient plus. Les hommes qui restaient attachés à la république craignaient alors beaucoup plus le despotisme que la contre-révolution. Tout porte à croire que Bonaparte, qui comptait peu avec la vie des hommes, peu avec le droit des gens, qui avait déjà pris l’habitude d’une politique emportée et expéditive, crut le prince au nombre des conjurés, et voulut en finir, par un exemple terrible, avec les conspirations, seul danger pour son pouvoir à cette époque.

La guerre de la Grande-Bretagne, et la conspiration de Georges et de Pichegru, servirent d’échelon à Bonaparte pour monter du consulat à l’empire. Le 6 germinal an XII (27 mars 1804), le sénat, en recevant communication du complot, envoya une députation au premier consul. Le président François de Neufchâteau s’exprima en ces termes : « Citoyen premier consul, vous fondez une ère nouvelle, mais vous devez l’éterniser : l’éclat n’est rien sans la durée. Nous ne saurions douter que cette grande idée ne vous ait occupé, car votre génie créateur embrasse tout et n’oublie rien. Mais ne différez point ; vous êtes pressé par le temps, par les événements, par les conspirateurs, par les ambitieux ; vous l’êtes, dans