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EMPIRE.

tinent. La Prusse fut réduite de moitié. Napoléon avait institué, dans le midi de l’Allemagne, les deux royaumes de Bavière et de Wurtemberg contre l’Autriche ; il créa, plus avant dans le nord, les deux royaumes feudataires de Saxe et de Westphalie contre la Prusse. Celui de Saxe, formé de l’électorat de ce nom et de la Pologne prussienne, érigée en grand-duché de Varsovie, fut donné au roi de Saxe ; celui de Westphalie comprit les états de Hesse-Cassel, de Brunswick, de Fulde, de Paderborn, la plus grande partie du Hanovre, et fut donné à Jérôme Napoléon. L’empereur Alexandre, qui souscrivit à tous ces arrangements, évacua la Moldavie et la Valachie. La Russie demeura pourtant la seule puissance intacte, quoique vaincue. Napoléon suivait de plus en plus les traces de Charlemagne ; il avait fait porter devant lui, le jour de son sacre, la couronne, l’épée et le sceptre du roi franc. Un pape avait passé les Alpes pour consacrer sa dynastie, et il modelait ses états sur le vaste empire de ce conquérant. La révolution avait voulu rétablir la liberté antique, Napoléon restaura la hiérarchie militaire du moyen âge ; elle avait fait des citoyens, il fit des vassaux ; elle avait changé l’Europe en républiques, il la transforma en fiefs. Comme il était grand et fort, comme il était survenu après une secousse qui avait fatigué le monde en l’ébranlant, il put l’arranger passagèrement selon sa pensée. Le grand empire s’éleva au dedans avec son système d’administration, qui remplaça le gouvernement des assemblées ; ses cours spéciales, ses lycées, où l’éducation militaire fut substituée à l’éducation républicaine des écoles centrales ; sa noblesse héréditaire, qui compléta, en 1808, le rétablissement de l’inégalité ; sa discipline civile, qui rendit la France entière obéissante au mot d’ordre comme une armée ; au dehors, avec ses royaumes secondaires, ses états confédérés, ses grands fiefs et son chef suprême. Napoléon, n’éprouvant plus de résistance nulle part, put courir et commander d’un bout du continent à l’autre.

À cette époque, toute l’attention de l’empereur se dirigea sur l’Angleterre, la seule puissance qui put se soustraire à ses