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EMPIRE.

où l’empereur d’Autriche, le roi de Prusse et tous les souverains d’Allemagne vinrent s’incliner devant sa fortune. Le 22 juin, la guerre fut déclarée contre la Russie.

Napoléon se dirigea dans cette campagne d’après les maximes qui lui avaient jusque-là réussi. Il avait terminé toutes les guerres qu’il avait entreprises par la défaite rapide de l’ennemi, l’occupation de sa capitale, et la paix avec le morcellement de son territoire. Son projet fut de réduire la Russie par la création du royaume de Pologne, comme il avait réduit l’Autriche en formant les royaumes de Bavière et de Wurtemherg, après Austerlitz, et la Prusse, en organisant ceux de Saxe et de Westphalie, après Iéna. Il avait stipulé dans ce but avec le cabinet de Vienne, par le traité du 14 mars, l’échange de la Gallicie avec les provinces Illyriennes. Le rétablissement du royaume de Pologne fut proclamé par la diète de Varsovie, mais d’une manière incomplète ; et Napoléon qui, selon ses habitudes, voulait tout achever dans une campagne, s’avança au cœur de la Russie, au lieu d’organiser prudemment contre elle la barrière polonaise. Son armée était forte d’environ cinq cent mille hommes. Il passa le Niémen le 24 juin ; s’empara de Wilna, de Witepsk ; battit les Russes à Ostrowno, Polotzk, Mohilow, Smolensk, à la Moskowa, et fit, le 14 septembre, son entrée dans Moscou.

Le cabinet russe n’avait pas seulement placé son moyen de défense dans ses troupes, mais dans son vaste territoire et dans son climat. À mesure que ses armées vaincues reculaient devant les nôtres, elles incendiaient les villes, dévastaient les provinces, préparant ainsi, en cas de revers ou de retraite, de grandes difficultés à Napoléon. D’après ce système de défense, Moscou fut brûlé par son gouverneur Rostopchin, comme l’avaient été Smolensk, Dorigoboui, Wiasnia, Gjhat, Mojaïsk et un grand nombre de villes et de villages. L’empereur aurait dû voir que cette guerre ne se terminerait point comme les autres : cependant, vainqueur de l’ennemi et maître de sa capitale, il conçut de espérances des paix que les Russes entretinrent habilement. L’hiver approchait, et Napoléon pro-