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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

longea pendant près de six semaines son séjour à Moscou. Il retarda ses mouvements par suite des négociations illusoires avec les Russes, et ne se décida à la retraite que le 19 octobre. Cette retraite fut désastreuse, et commença l’ébranlement de l’empire. Napoléon ne pouvait pas être abattu de main d’homme ; car quel général aurait pu triompher de ce général incomparable ? quelle armée aurait pu vaincre l’armée française ? Mais les revers étaient placés pour lui aux dernières limites de l’Europe, aux limites glacées où devait finir sa domination conquérante. Il perdit, à la fin de cette campagne, non par une défaite, mais par le froid, par la faim, au milieu des solitudes et des neiges de la Russie, sa vieille armée et le prestige de sa fortune.

La retraite se fit avec un reste d’ordre jusqu’à la Bérézina, où elle devint une vaste déroute. Après le passage de cette rivière, Napoléon, qui jusque-là avait suivi l’armée, partit sur un traîneau, et revint en toute hâte à Paris, où avait éclaté une conspiration pendant son absence. Le général Mallet avait conçu, avec quelques hommes, le dessein de renverser ce colosse de puissance. Son entreprise était fort audacieuse ; et comme elle reposait sur une erreur, la mort de Napoléon, il aurait fallu tromper trop de monde pour réussir. D’ailleurs, l’empire était encore fortement établi, et ce n’était pas un complot, mais une défection lente et générale qui pouvait le détruire. La conjuration de Mallet échoua, et ses chefs furent mis à mort. L’empereur, à son retour, trouva la nation surprise d’un désastre aussi inaccoutumé. Mais les corps de l’état témoignèrent toujours une obéissance sans bornes. Il arriva le 18 décembre à Paris, obtint une levée de trois cent mille hommes, donna l’élan des sacrifices, refit en peu de temps, avec sa prodigieuse activité, une nouvelle armée, et se remit en campagne le 15 avril 1815.

Mais, depuis sa retraite de Moscou, Napoléon était entré dans une nouvelle série d’événements. C’est en 1812 que se déclara la décadence de son empire. La fatigue de sa domination était générale. Tous ceux du consentement desquels il